Le numéro 32 de l'Art de l'aquarelle débute dans la rubrique actualité avec les 100 ans de la création aux États Unis, de la National Watercolor Society. S'en suivent les rubriques actuelles sur les révélations : le français Philippe Lhez, les canadiennes Kathy Bunze et Carole-Anne Almquist, l'espagnol Joan Coch Rey. et la découverte d'Ali Sarrmadi , sans oublier la peinture préférée de Marc Folly et les dernières peintures de 8 artistes.
Le Chinois Richard Chao dresse des portraits qui révèlent le monde intérieur de ses modèles, tandis que l'australienne Christine Porter nous emmnène à travers les contrées australiennes et Jean-Louis Thibaut sur les paysages normands.
Les portraits à supplément d'âme sont portés en pleines pages du portefeuille de Dean Mitchell. Nous recontrons le réaliste Angus McEwan que nous connaissons depuis plusieurs numéros, et un autre britanique paysagiste, Brian Smith.
Deux américains sont interviewés : Linda Hutchinson et Nathan Fowkes, ainsi que l'architecte Malcom Carver.
En fin de magazine, le « savoir-faire » de Lok Kerk-Hwang qui présente plusieurs pas-à-pas.
L'actualité
Dan Simoneau, Prince. 54 x 54 cm
Les cent ans de la National Watercolor Society en préparation
Fondée en 1920, la NWS a tout d’abord porté le nom de California Water Color Society. Le nom de la Societé a changé deux fois depuis : la première fois en 1967, pour devenir la California Watercolor Society, avant de devenir la National Watercolor Society en 1975
Le Slogan de la NWS, « Faire avancer les techniques à l’eau depuis 1920 », est plus que de simples mots. Nous avons deux expositions annuelles : l’exposition avec jury de nos membres (dont les inscriptions ont lieu du 1er février au 17 mars) et l’exposition annuelle et internationale de la NWS, qui a lieu chaque hiver.
Bien que la NWS soit une société qui organise des expositions, nous avons toujours eu un volet éducatif.
Afin de rendre accessible nos collections au public, la NWS a prêté 25 peintures correspondant aux débuts de la société (soit les années 1925-1954) au Los Angeles Museum of Art.
Nous allons ensuite récupérer ces tableaux et les exposer avec vingt-cinq tableaux sélectionnés parmi les œuvres des membres de la NWS. Nos plans futurs prévoient d’organiser des démonstrations en streaming, ainsi que des conférences et des ateliers disponibles à tous nos membres à travers le monde.
Depuis maintenant plusieurs années, la NWS organise des expositions d’envergure internationale pour ses membres, au Pays de Galles, en Belgique et en Chine. Nous essaierons autant que possible de développer ces interactions avec des sociétés internationales afin d’accroître la renommée de nos membres hors de nos frontières.
Page 16 KEN GOLDMAN, son président.
Denny Bond, Twisted. 31 x 76 cm..
Jean Hyland, Leaning Toward Red.38 x 56 cm
Révélations
Le Français Philippe Lhez
Je dessine beaucoup sur le motif, et j’y peins de moins en moins. Je peins souvent le même sujet trois ou quatre fois, en variant la méthode, la composition, le chromatisme, bref en apportant dans l’aquarelle suivante les enrichissements révélés par la précédente.
Page 18 Philippe Lhez
Je ne peins pas vite. Certes, si l’aquarelle sait aller rapidement à l’essentiel, estelle pour autant condamnée à l’unique voie de la suggestion, de la pochade ? J’ai beaucoup marché dans nos Pyrénées centrales, et souvent trop vite.
L’appréciation de l’effort réellement nécessaire à l’ascension est brouillée par l’ardeur déployée et l’on se demande soudain pourquoi aller aussi vite.
Je flâne donc sur mon travail comme on se promènerait dans nos montagnes, j’y rêvasse, je l’organise, je m’y prépare, cela n’empêchera pas qu’au détour du chemin, il faudra composer avec le terrain. Je tâche de me tenir entre deux écueils : celui d’en dire trop et celui d’en dire trop peu.
Je suis tout de même plus bavard que taiseux. En dire trop, c’est proposer une aquarelle un peu écoeurante, suffocante, en dire trop peu c’est souvent masquer son incapacité à montrer le sujet, en le noyant, en le dissolvant.
La Canadienne Kathy Bunze
Ce qui m’attire par-dessus tout, c’est la façon dont on peut créer des effets de lumière, ainsi que la fluidité de l’eau et des pigments. Tout cela crée un flux magique de lavis coloré. On ne peut donc jamais prévoir le résultat de sa peinture finale, ce qui est un grand défi.
Page 19 Kathy Bunze
Après avoir élevé ma famille et m’être intéressée aux beaux-arts, j’ai rapidement découvert l’aquarelle, et je suis tombée amoureuse de la technique. Je peins depuis 1989 et je suis plus assidue dans ma pratique depuis cinq ans.
Bien que mes sujets soient les fleurs, les personnes et les animaux, j’aime le défi que posent de nouveaux thèmes, idées et techniques. J’utilise du papier Arches et Waterford grain fin. Mes pigments sont un assortiment de Winsor & Newton, Schmincke et Daniel Smith. Ma palette comprend une nuance chaude et froide des couleurs primaires, ainsi que quelques autres, en fonction de ce que me dicte ma peinture.
La Canadienne Carole-Anne Almquist
Peindre pour moi est un processus méditatif et, en tant que personne introvertie, c’est un moyen d’auto-expression. J’ai découvert l’aquarelle en 2009 et, avec elle, est venu un attachement plus profond aux beaux-arts. La spontanéité et l’impression de lumière dans l’aquarelle ne se retrouvent dans aucune autre technique. Je suis vraiment passionnée. Mon désir est d’instaurer chez le spectateur un sentiment de tranquillité et de paix. Il faut faire preuve d’une attitude zen face à l’aquarelle.
Page 23 Carole-Anne Almquist
Vous devez prendre du recul et laisser les choses se faire d’elles-mêmes, et ne pas essayer de la contrôler. Je peins différents sujets en me basant sur les idées qui me viennent. Travailler en plein air est particulièrement plaisant et je suis membre des Urban Sketchers.
Je peins surtout avec des couleurs transparentes : bleu phtalo, bleu outremer, violet minéral, auréoline, jaune Hansa, sépia, rose permanent et orange translucide de Schmincke.
L'Espagnol Joan Coch Rey
J'ai découvert l’aquarelle à l’école, puis j’ai travaillé comme décorateur intérieur, à une époque où les ordinateurs n’existaient pas encore.
Page 21 Joan Coch Rey
Deux éléments sont essentiels pour comprendre ma technique à l’aquarelle : le dessin et la rapidité d’exécution. Mon but est d’arriver à atteindre, dans un laps de temps très court, une vision plus créative de mon sujet, en synthétisant les éléments qui le composent. Parfois, cela implique de transmettre quelque chose de plus sentimental que graphique, si le sujet le demande.
Mon intention est de parvenir à une vision plus créative du sujet en utilisant une synthèse des éléments qui le composent, transmettre quelque chose de plus sentimental dans certains cas, l’eau graphique étant le moyen le plus sensible pour y parvenir.
L’évolution de mon travail a toujours suivi la direction de la simplicité de geste, cherchant la synthèse du sujet et à susciter plus d’émotions à travers mes peintures. Je pense que je me rapproche de l’abstraction, avec toujours inlassablement le même style. Je suis depuis peu attiré par des grands formats et des thématiques plus versées dans l’imaginaire, et j’y trouve une grande source d’inspiration.
Le Français Ali Sarmadi
Je suis né à Téhéran. Après mon baccalauréat au lycée Râzi, le lycée français de Téhéran, j’ai poursuivi mes études au Beaux-Arts de la même ville. Pour un projet de diplôme, j’ai voyagé dans plusieurs provinces d’Iran, et surtout dans des villes désertiques, comme Yazd, Kermân, Bam. Je me suis alors passionné pour l’art persan, l’architecture, les mosaïques en céramique, les miniatures, les calligraphies dans l’architecture… Et j’ai aussi fait quelques recherches sur différents sujets comme la calligraphie et l’architecture, les dessins géométriques, les jeux des briques, le travail du bois sur les anciennes portes…
Page 90 Ali Sarmadi
Dans l’art abstrait, nous sommes obligés de regarder un tableau toutà fait autrement. De le méditer, de le sentir, comme on écoute une musique, avec des larges surfaces comme des sons graves, des lignes comme des sons plus aigus et des points comme de courtes notes fugaces. Et la façon dont toutes ces notes et ces sons sont superposés, sont organisés dans une composition, donne un tableau que l’on peut regarder et écouter, en éprouvant du plaisir. Lorsque le tableau est fi guratif, on écoute aussi, seulement on voit une image précise, qui nous montre ou nous évoque quelqu’un ou quelque chose. Personnellement, je préfère quand c’est un peu entre les deux : un tableau abstrait qui laisse deviner des images.
La peinture préférée de Marc Folly
LE SUJET: J’ai pris pour sujet un atelier de poterie, près de Castelnaudary : celui des frères Not. Bien qu’il s’agisse d’un thème que j’ai déjà pu traiter par le passé, je reste toujours aussi attaché à l’univers des ateliers. J’apprécie notamment les contrastes forts de lumière, les éclairages en clair-obscur et les ombres puissantes qui, par contraste, font ressortir la blancheur éclatante du papier.
Page 88 Marc Folly
LE PROCESSUS : Une aquarelle s’élabore en trois phases : la première est le dessin (généralement au crayon HB), suivie des premiers lavis qui me permettent de délimiter les ombres et les lumières. Vient ensuite la mise en couleurs proprement dite.
LES COULEURS: Je suis parti sur une combinaison de deux couleurs complémentaires : des bruns orangés, mis en valeur par des petites touches de bleu qui viennent réveiller la composition et apporter du dynamisme chromatique.
ENLEVER LES FORMES: Un des paradoxes de l’aquarelle est que pour mieux marquer la présence de certaines formes, il ne faut pas hésiter à les enlever. C’est quelque chose que les débutants ont du mal à admettre, mais il faut effectivement placer les couleurs et ensuite les effacer.
Ma dernière peinture
Ces artistes ont déjà été publiés dans l'Art de l'Aquarelle, nous retrouvons leur dernière peinture.
Fougères
Jean-Claude Papeix
60 X 50 cm
La subtilité des couleurs et des formes abstraites permet de réaliser des oeuvres originales.
The jug of water and red currant,
Elena Bazanova
47 X 55 cm
J’ai essayé de peindre mon sujet de telle manière qu’il garde sa fraîcheur et sa lumière, à travers les formes et les couleurs.
Kavalan grandmother
Chen-Wen Cheng
153 x 101 cm
Son sourire paisible me rappelle ma mère qui est décédée.
Looking down Stony Lane
Paul Banning
58 X 78 cm.
J’ai peint cette scène à de nombreuses reprises, à des heures et des saisons différentes, et j’ai toujours autant envie de la peindre.
Night Hoops,
Stephen Quiller
84 x 63 cm
Cette peinture me ramène à mon enfance, lorsque je jouais au basket avec mes amis,toute l’année, à l’extérieur de la maison
Marché de Noël d'Ajaccio
Jean-Luc Mossion
58x38cm
J’ai traité cette scène en contre-jour, dans une palette réduite de bleu et de terre
Aran Visit,
Linda doll
76x56 cm cm
Cette aquarelle a été peinte avec seulement trois couleurs.
City of Gold,
Jean Martin
51 X 71 cm
City of Gold a été peint en plusieurs étapes, entre le printemps et l'automne.
R.Chao

Richard Chao : Saisir l’unicité de chacun
D’origine chinoise, mais résidant en Australie, Richard Chao peint avec impathie et affection ses semblables, les hommes...Je n’ai pas de critères spécifiques dans le choix de mes modèles. Je ne me soucie pas de savoir s’ils sont beaux ou s’ils ont une expression particulière. La seule chose qui me pousse à peindre un portrait, c’est le fait de ressentir quelque chose de très fort quand je vois quelqu’un.
Page 30 Richard Chao
Mes modèles sont avant tout des personnes tout ce qu’il y a de plus banal. Ceci dit, chacun d’entre eux est une combinaison de son passé culturel, de ses croyances religieuses et de ses expériences de vie. Ce sont des personnes de toutes les couches sociales, qui vivent aux quatre coins de la planète. Et ce que je cherche en elles est leur unicité, c’està-dire leurs espoirs, leur pureté, leur dévotion, leur bonheur et leurs douleurs. J’ai passé la plus importante partie de ma vie en Chine, et j’ai pu me rendre dans des endroits très reculés comme le Tibet, la Mongolie et le Yunnan.
Les gens qui habitent dans ces contrées possèdent leurs cultures, leurs croyances et leurs coutumes… J’habite actuellement en Australie, qui est un pays multiculturel : cela me donne la possibilité de rencontrer et de me lier avec des personnes d’origines très diverses.
Dans ce tableau, la majeure partie du visage de la fille est dans la pénombre, à contre-jour. En peignant cette aquarelle, je me suis fixé le principe suivant : les parties du visage dans la lumière sont traitées dans des tonalités chaudes, et les parties dans l’ombre par des tonalités froides. C’est pourquoi j’ai utilisé un glacis de bleu outremer transparent sur la partie sombre afin de représenter la pureté et la transparence de l’air sur les hauts plateaux.
Que mon portrait soit basé sur modèle vivant ou sur photo, j’essaie toujours différentes combinaisons de composition et de valeurs. Soit au papier et au crayon, soit à l’aide de logiciels, en imaginant les valeurs finales.
Ce tableau m’a demandé des ajustements constants de composition, pour finalement arriver à sa forme finale.
Peindre, pour moi, est comme un filtre qui consiste à enlever tout ce qui peut distraire et ne garder que l’essence du personnage. Il s’agit plus que la copie d’une scène de la vraie vie.
Hair in the air Pas à pas
LE DESSIN
. Pour une oeuvre aboutie, le dessin doit être précis et doit clairement indiquer les zones d’ombre. J’essaye de dessiner de manière très détaillée. En outre, mes traces doivent être les plus marquées possible, afin qu’elles restent visibles après les premiers lavis.
PREMIERS LAVIS
Avant de commencer mes lavis, je réserve à la gomme à masquer les cheveux et la barbe. Une fois que le lavis est passé, j’imagine l’ambiance que je veux proposer. Puis je pose mes couleurs à l’aide d’un petit-gris. À ce stade, je me contente de donner l’impression globale de mon sujet.
LES FORMES PRINCIPALES DU VISAGE
Une fois mes premières couleurs posées, j’établis la stéréoscopie préliminaire à l’aide des couleurs appropriées. Puis j’observe la structure osseuse, ainsi que les lignes de structure, avant de me pencher sur les relations entre les tons chauds et froids.
LES TRAITS DU VISAGE
En me basant sur l’étape précédente, je me concentre sur le nez et la bouche de mon sujet, c’est-à-dire ses traits les plus caractéristiques. J’accorde une importance toute particulière à la glabelle, la ride du lion entre les deux yeux.
LES DÉTAILS
Je peins les détails de la personnalité de mon sujet. Je superpose les couches afin d’obtenir des valeurs profondes. Les points clés ici sont les suivants : l’expression des yeux, les rides, le nez proéminent, et les muscles abaisseurs de l’angle de la bouche.
C.Porter
Christine Porter : Hommage aux traditions australiennes

À mon sens, une aquarelle réussie possède un maximum de transparence, obtenue grâce au blanc de la feuille, et montre que l’aquarelle a coulé sur la feuille. Savoir gérer les contours, aussi bien nets que flous, est aussi un atout précieux. Je suggérerais aux aquarellistes débutants de prendre du plaisir lors de la phase d’apprentissage. Faites un choix dans vos outils.
Faites dix peintures avant de vous décider de savoir lesquelles sont réussies.
Amusez-vous !
Lorsque je travaille dans une ferme, que je cherche l’inspiration, que j’affine mes idées et que je commence à peindre, j’ai besoin de me protéger du soleil, de la déshydratation, de la chaleur de l’été, du froid de l’hiver, de la forte lumière et de la poussière.
Page 38 Christine Porter
Mon outil le plus précieux est mon grand parapluie de golf. Quand je suis sur le motif, je peins pendant une heure, ce qui me permet de gérer les changements de lumière. Afin de garder la fraîcheur de mon oeil, je peins plusieurs peintures au cours de la journée. Et à midi, je fais une sieste à l’ombre, je lis un livre en buvant du thé, afin de laisser mes yeux se reposer.
Mes sujets ne sont pas particulièrement colorés. Les hangars que je choisis sont généralement construits en bois et en tôle ondulée. Certains sont parfois vieux de plus de cent ans. Toutes les couleurs originelles ont disparu avec l’érosion. À l’intérieur, le bois est vierge et a pris une teinte brun doré à cause de la lanoline contenue dans la laine des moutons.
Avec un faible taux d’humidité, la peinture sèche plus vite, ce qui est la raison pour laquelle je peins des plus petites zones, plutôt que de m’essayer à des grands lavis.
Je me sers d’un stylo et d’un carnet pour noter rapidement les informations, travaillant tôt le matin ou tard l’après-midi.
J’essaie de ne pas peindre au plus fort de l’été, même si l’hiver pose aussi des défis.
Commentaire sur The Red Steps:
Cette aquarelle fait partie de la série « Moskwarelle », inspirée par la ville de Moscou.
J’ai peint mon premier hangar de tonte en 1984. Depuis, j’ai peint plus de 100 fermes de la Tasmanie jusqu’au Mont Isa, ce qui représente près de 2 000 peintures, dessins et gravures.
Certaines aquarelles représentent des bâtiments historiques, d’autres sont de petites exploitations familiales, à peine assez grandes pour tondre une vingtaine de moutons.
MON PROCESSUS
LA PEINTURE EN ATELIER:
Une fois que j’ai fait mes repérages, je retourne dans mon atelier. À l’aide de mes peintures à moitié terminées et de mes notes, je redessine sur des feuilles vierges, puis je travaille sur chacune de mes peintures durant une heure. Je pars du milieu de la feuille pour aller vers l’extérieur, jusqu’à atteindre le bord de la feuille. Je ne me soucie pas encore de la composition, même si mes esquisses me guident. Je laisse autant que possible le blanc de la feuille et peins alla prima. Je n’ai ni astuces, ni outils spéciaux ou gomme à masquer. La beauté de l’aquarelle réside dans sa simplicité : papier + eau + pigments + pinceaux.
LA SÉLECTION:
Une fois que l’information est sur la feuille, je commence à opérer une sélection. J’ajuste les tons et les couleurs en appliquant des lavis et des détails. J’enlève ou ajoute des éléments de composition, même si pour moi, il est essentiel de représenter le lieu tel qu’il est. Je peux passer plusieurs semaines sur une peinture, tout en y travaillant une heure à chaque fois. À l’aide d’une palette limitée, je peux poser autant de lavis que je le souhaite sans perdre la clarté.
LES FINITIONS:
Je me sers d’un passe-partout (de taille standard) pour prendre la décision de la composition finale, même s’il m’est arrivé de reprendre une peinture après avoir mis le passe-partout. Puis j’ajoute les touches finales et je signe.
EXPOSER ET ARCHIVER:
Les idées que j’avais en tête au départ ont été menées à terme. Le projet peut être une simple série de peintures ou également inclure d’autres oeuvres d’art, comme celles présentées dans l’exposition « Shadowing Tom » (« Dans l’ombre de Tom »), par exemple. J’ai effectué des recherches, rencontré des personnes, visité des bibliothèques. Un texte peut être écrit afin d’accompagner l’exposition. Je prends des photos de mes oeuvres avant de les numéroter pour leur archivage. Jusqu’au jour de l’exposition, je les place non encadrées dans des enveloppes en cellophane ; celles qui sont encadrées sont rangées verticalement dans des étagères spéciales.
Démo Pa’s shed
1
L’IMPORTANCE DU BON SUJET
Le sujet de ce tableau est l’alignement d’outils. Je dois m’assurer que tout dans la peinture converge vers ce que je veux montrer. Je commence donc par ce qui est important, que je place au milieu de la feuille. Ma feuille est beaucoup plus grande que l’oeuvre finale.
2
PEINDRE VERS L’EXTÉRIEUR
Travaillant par séances d’une heure, je peins vers l’extérieur, jusqu’à ce que j’atteigne le bord de la feuille. J’ajoute les zones correspondant aux étagères, afin de compléter ma composition.
3
AUTANT DE DÉTAILS QUE POSSIBLE
Je ne me préoccupe pas pour l’instant la partie centrale. Je peins zone par zone, en ajoutant autant de détails que possible. Cela peut demander beaucoup, beaucoup d’heures.
4
POUSSER LES CONTRASTES
Je passe des glacis sur les parties que je veux faire reculer. Pour d’autres que je veux rendre plus évidentes, je pousse mes contrastes de valeur.
JL.Thibaut
L’HYPERRÉALISME SELON JEAN-LOUIS THIBAUT
À l’hyperréalisme, je préfère le terme « figuratif » : étant peintre de la réalité, je suis très attaché aux détails, de par ma formation de graveur au burin à l’École Boulle… Il m’arrive parfois de passer plusieurs centaines d’heures à travailler sur une peinture car je pousse la technique au maximum de mes possibilités. Il est alors évident que les côtés spontané et gestuel propres à l’aquarelle ne sont plus de mise, c’est une autre démarche ! Il faut être patient et opiniâtre quand on attaque des sujets difficiles très détaillés. Il n’y a toutefois, pour moi, aucun paradoxe entre la pratique de l’aquarelle et l’hyperréalisme, c’est un prolongement de ma formation que j’essaie, au fil des ans,
Lors d’un passage à Honfleur, que je ne connaissais pas, j’ai eu un véritable coup de foudre pour ce joli port, loin de Paris, où j’exerçais le métier de maquettiste dans diverses agences de publicité et d’architecture intérieure. C’est précisément lors de mon installation à Honfleur en 1974, que j’ai découvert et pratiqué, par moi même, cette technique nouvelle pour moi… Les lumières changeantes des ciels, l’estuaire de la Seine, l’architecture singulière de la ville m’ont incité à peindre à l’aquarelle, qui se prête bien à la subtile palette des ciels normands.
Page 40 Jean-Louis Thibaut
L'Envol
« Dans cette aquarelle, l’oeil se focalise sur le goéland en pleine lumière, se détachant ainsi de l’arrière-plan baignant dans une ombre forte. Une bonne douzaine de lavis successifs ont été nécessaires pour traiter ces valeurs.»
Reflets
En atelier, après avoir tendu mon papier sur une planche, je trace mon dessin à la mine de plomb, et, à l’encontre des procédés habituels, je mets en couleur la partie haute (le ciel, par exemple) et finalise d’abord cette partie de droite à gauche, avant de progreser en attaquant la partie basse. Cela n’est toutefois pas systématique…
Au préalable, je garde toujours le blanc du papier pour monter mes valeurs et garder ainsi la fraîcheur des tons par transparence.
Cancale
Je travaille en atelier, d’après mes propres photos, à la recherche d’un bel éclairage… Cela permet de fixer un petit instant d’éternité, à traduire, à composer, à transposer, au mieux, sur papier.
Je pratique l’acrylique sur toile sur de plus grands. formats, mieux adaptés aux marines. Si l’acrylique est une matière qui permet des aplats successifs, la valeur des tons et la transparence sont moins fines que l’aquarelle. Mais si l’on maîtrise cette technique, elle se révèle vite intéressante.
D.Mitchell
Supplément d'âme avec Dean Mitchell

Les portraits de Dean Mitchell mettent toujours en avant l'humanité des modèles.
J’ai toujours pensé que le véritable pouvoir dans l’art ne résidait pas dans la technique ni dans les traditions du passé, ce sont simplement des éléments qui peuvent nous influencer de différentes façons. Mais il appartient surtout aux artistes d’approfondir le processus mental de création d’images qui ont encore un certain pouvoir pour eux. Dans mon cas, c’est le fait d’avoir grandi dans le sud des États-Unis, où régnait la ségrégation : j’ai regardé et étudié les interactions des gens les uns avec les autres. Grandir dans cet environnement a façonné mon choix de sujet et je sentais que j’avais besoin d’avoir une voix dans la culture américaine.
Page 50 Dean Mitchell
Lorsque j’ai fréquenté le Columbus College of Art & Design, dans l’Ohio, le musée était à quelques pas du campus. Je n’avais jamais été dans un musée avant et j’ai été étonné de constater qu’aucun tableau exposé n’était peint par des Noirs et pourtant, il y avait toutes ces peintures magistrales… Cela m’a poussé à devenir un maître avec des capacités techniques afin qu’en contemplant mon travail, les spectateurs sentent mes mains habiles ainsi que le lien profond avec mon sujet.
Mes modèles sont souvent des membres de ma famille, des amis… et aussi des inconnus croisés dans la rue. Il m’arrive aussi de rencontrer des gens lors d’événements sociaux ; parler avec eux me donne parfois envie de les peindre. Je suis porté avant tout par ce qui me lie au sujet. Je n’ai pas de manière particulière de travailler.
Je suis un peintre très intuitif, qui ne s’impose aucune règle absolue en peinture. Je suis un peu comme ma grand-mère dans ma façon de faire. Je dis cela parce que c’est elle qui m’a élevé, à partir de l’âge de 11 ans. Je la regardais faire la cuisine : elle ne mesurait pas la quantité d’ingrédients, se contentant au contraire de prendre une pincée de tel ou tel ingrédient et une pincée de tel autre. Et elle cuisinait divinement bien ! Je fonctionne un peu de la même manière avec mes couleurs.
Il y a eu beaucoup de commentaires sur mon utilisation des teintes neutres – et il s’agit de la clé pour parvenir à saisir la tendresse de mes personnages. Je procède par des superpositions multiples et délicates de couleurs. C’est comme ça que je représente mes sentiments et c’est toute l’âme de mon travail : la transition subtile des couleurs combinée à un sens aigu de l’abstraction des formes ; c’est ainsi que je rends la réalité.
Donc, je dirais que mon travail se situe dans une veine américaine, tout en cherchant à rompre avec la tradition. Personnellement, j’accorde plus d’importance à la liberté qu’à la tradition : la liberté de choisir l’approche que je veux. Et si je veux en changer, cela se fera selon mes propres termes. Je ne suis pas en quête de nouveauté, mais je cherche de nouvelles façons de mieux communiquer mes idées autour de moi.
Artist at work.
29 x 45,5 cm
Mon ami et artiste Bob Ragland, à Denver, dans le Colorado, est actuellement un de mes sujets préférés. Je l’ai peint plusieurs fois au fil des ans. J’ai récemment été tenté de continuer à faire des oeuvres importantes avec lui. J’aime vraiment le peindre. C’est une personne très positive : il nous a aidés, ma peinture et moi, à grandir.
Bob at the Easel
51 x 38 cm
Mon processus est le suivant : trouver un sujet qui me touche et résoudre tous les problèmes qu’il peut poser en termes de couleurs, de formes et de contrastes.
Bob with the morning Paper
76 x 56 cm
Définir les formes abstraites avec une diversité de mouvements simples.
Quincy Plant Worker
51 x 38 cm
Je trouve qu’il est plus confortable de peindre des personnes que je connais et des observations répétées me permettent de les étudier. Mais ce peut tout aussi bien être un inconnu qui dégage une très forte énergie.
Urban Cyclist
30,5 x 35,5 cm
Je dirais que mon travail se situe dans une veine américaine, tout en cherchant à rompre avec la tradition.
Casual Moments in Ybor City
51 x 38 cm
Le manque d’inspiration n’a jamais vraiment été un problème pour moi. En revanche, il m’est plus difficile de trouver le temps nécessaire à la réalisation de toutes les idées que j’ai en tête. Si je ressens moins d’entrain dans ma peinture, je vais alors essayer de trouver des sujets qui me rappellent à quel point la vie est éphémère.
Hazel Mae
38 x 45,5 cm
Trouver des sujets qui ont un sens profond et un but me donne envie de faire ce que j’aime. C’est-à-dire peindre.
Le développement de ma peinture est toujours subtil, mais je vois prendre forme une approche plus picturale, plus spontanée et en même temps plus abstraite. Il y a également des superpositions complexes de lavis transparents – et j’ai l’impression que ma peinture peut devenir plus impressionniste et plus abstraite. C’est un processus naturel, qui est mouvant et qui ne doit pas être forcé.
A.McEwan

Angus McEwan La technique n'est pas une fin en soi
Quand je suis en quête d'un sujet, je dois être mentalement impliqué. Ce qui est intéressant, c'est que je ne sais jamais s'il aura le potentiel de faire un tableau. Je suis cependant très attiré par les éléments de texture comme ceux que l'on trouve sur les surfaces abîmées et les sujets aux couleurs fortes.
L’ATTENTION AU DÉTAIL
Je me suis toujours soucié de la précision et je pense que cela vient d’un commentaire que m’a fait mon professeur de peinture quand j’avais 15 ans. Il me faisait remarquer que j’omettais des choses dans mon dessin et il m’a donné l’exemple d’un compas dont j’avais oublié la molette. À partir de ce jour-là, j’ai essayé d’avoir un dessin le plus complet possible sauf pour une raison bien précise. C’est devenu quelque chose d’inscrit dans ma façon de faire et de réfléchir ; en fait, je pense que je suis devenu de plus en plus obsédé par l’idée de représenter tous les détails. Mes peintures me demandent beaucoup plus de temps. Mon atout principal dans ma quête est la persistance.
TRADUIRE SES PENSÉES
La technique n’est certainement pas une fin pour moi, mais certainement un moyen. Je peins de plusieurs façons différentes, dont certaines qui sont inconscientes – sauf quand on me demande de les expliquer. En fait, je ne suis pas obsédé par la technique, je cherche plutôt des façons de rendre mes idées et mes pensées. Peindre pour moi est comme un gâteau dont les détails seraient le glaçage. Il y a beaucoup d’éléments sous ces détails qui doivent être rassemblés afin que le résultat soit harmonieux.
L’idée de beauté dans le quotidien n’est pas un nouveau concept mais je suis poussé à montrer aux autres le plaisir que l’on peut prendre dans la contemplation d’une vieille porte dont la peinture s’écaille et disparaît, et dont le bois recèle les épreuves du temps. Ou bien la beauté dans un mur en plâtre ou en pierre qui ressemble plus à la surface de la Lune avec ses textures marquées et sa peinture effacée.
Avez-vous déjà remarqué que les taches de rouille sur une balustrade qui encadre une vieille fenêtre ressemblent aux larmes d’un ange ? L’oxyde de fer qui teinte la surface sous la fenêtre et que personne ne remarque…
Page 56 Angus McEwan
LE DÉFI TECHNIQUE DE CHAQUE PEINTURE
J’aime le défi que représente une image réussie et j’essaye parfois consciemment de me mettre en danger et de chercher des difficultés particulières afin de voir si je peux les résoudre. C’est une manière de me tester. Je m’ennuie rapidement si je sais que la solution d’une peinture sera facile à trouver. Je ne peux pas grandir en tant qu’artiste si je n’ai pas de défi . Cela ne veut pas dire que peindre est quelque chose de simple : c’est tout le contraire.
Mais je sais qu’avec de la persévérance, je peux faire face à la plupart des défis… Si j’ai le temps nécessaire devant moi.
Je transporte généralement avec moi un petit carnet d’esquisses, quelques aquarelles, un ou deux pinceaux, quelques crayons et un appareil photo. Tout dépend du moment et du contexte. Si je suis pressé, je vais me contenter de prendre quelques clichés et si j’ai plus de temps, je vais faire un dessin rapide… et si je sais que le sujet fera l’objet d’un tableau, je vais consacrer plus de temps et effectuer une petite aquarelle sur le motif.
Tout dépend en fait de ce que je recherche dans l’image : il peut s’agir soit d’une petite étude de composition ou bien, comme cela m’arrive bien souvent, je suis immédiatement assailli par un flot d’idées et de compositions probables. De retour dans mon atelier, je vais poursuivre mes études de composition, en y ajoutant quelques couleurs, avant de me lancer dans le tableau définitif. Cela m’aide ainsi à fixer mes idées et les éléments importants dès le départ.
Revelation II Etape par étape
1
Cette image montre le dessin global avec les premières mises en couleur. Je démarre toujours par un dessin léger afin d’avoir une idée de ma composition ; dessin que je corrigerai par la suite. Plus le dessin est précis, plus il est facile pour moi de peindre ; aussi m’arrive-t-il de passer jusqu’à trois jours dessus. Je commence par la partie représentant le tableau ancien : je passe des lavis très légers, tellement légers en fait que le dessin au crayon peut se voir par transparence.
2
Je travaille la peinture ancienne à l’acrylique. Je commence par des couches fines que je densifie au fur et à mesure, en couleur et en valeur. Mes noirs sont un mélange de bleu phtalo foncé et de terre d’ombre, de Golden Acrylics. J’ai beaucoup peint à l’acrylique lors de mes études d’art, après avoir peint de nombreuses années, principalement à l’huile. Ce n’est que huit ans après mon diplôme, lors d’un voyage en Chine, que j’ai commencé à peindre sérieusement à l’aquarelle. J’ai utilisé les trois techniques pendant un moment avant de donner la primauté à cette dernière.
3
L’image du tableau de maître a été complétée : elle est pour l’instant trop vive et trop « propre », je vais donc la recouvrir à l’aquarelle pour la « malmener ». J’ai terminé l’image du tableau ancien qui est très vif et peut-être encore trop « propre » ; je vais donc le recouvrir avec de l’aquarelle. Il est important que je puisse revenir à l’image originale si j’en ai besoin. Je débute aussi mes lavis sur la partie gauche de mon tableau. Je commence très souvent ma mise en couleurs par des complémentaires bleues et orange.
4
J’ai poursuivi la porte en ajoutant plusieurs couches et en m’assurant qu’elles se mélangent entre elles. J’ai aussi ajouté des couches d’aquarelle plus opaque, avec moins d’eau, qui seront adoucies par la suite. Sur la droite du tableau, j’ai utilisé un cache pour couvrir la reproduction. Il est important que cette image dans l’image ne soit pas complètement recouverte et reste discernable. J’ai aussi utilisé cette méthode sur certains éléments de la porte.
5
Je travaille avec de simples lavis sur la partie gauche, en appliquant de la peinture par taches. Je garde mes couleurs relativement simples : je me suis servi d’orange, de bleu pâle, de violet foncé et d’un violet clair et gris. Évidemment, la densité de la couleur dépend de la quantité d’eau et cela peut donner l’illusion que j’ai posé plus de couleurs. La force de la couleur et de la valeur sur la partie droite de l’image n’est plus aussi dominante qu’elle ne l’était, et est similaire à celle sur la partie gauche de l’image.
6
Le ton de la porte a été foncé dans la partie gauche inférieure, et du violet clair a été appliqué dessus, afin de rompre un peu l’uniformité. J’ai ensuite vaporisé de l’orange dilué sur la reproduction du tableau, que j’ai laissé couler, emportant ainsi un peu la peinture sous-jacente. Il s’agit d’une méthode par tâtonnements en ce qui concerne le retrait de matière : il y a toujours la possibilité que j’en soustraie trop.
Revelation II.
Il s’agit d’un gros plan du tableau ancien : j’ai recouvert la peinture en ne laissant que la trame de l’image. C’est vraiment le résultat que je voulais obtenir : juste assez pour que la peinture soit visible et intéressante, mais pas au point qu’elle devienne le point focal du tableau. La peinture épaisse laisse des résidus, ce qui était souhaité. Je reviendrai plus tard sur cette partie avec des éclaboussures.
Je débute maintenant le processus d’ajout de détails sur toute la peinture. Je cherche à obtenir une image qui fonctionne à distance mais qui retient également l’attention lorsqu’on la contemple de près. C’est un processus qui demande du temps en fonction de la quantité de détails souhaitée.
J'utilise une combinaison de techniques pour un tableau donné car cela m'aide à représenter les différentes surfaces. Pour moi, peindre du verre ou un reflet à la surface de l'eau ne peut pas être la même chose que peindre de la pierre ou du bois. Je suis à la recherche d'informations qui m'aideront à décrire les propriétés individuelles de chaque objet, ce qui me permettra en retour de mieux définir l'objet en question.
B.Smith

Brian Smith, Explorer chaque possibilité
J’ai travaillé pendant vingt-cinq ans comme illustrateur free-lance dans le monde de la publicité, à Londres. Ces années ont eu une grande infl uence sur mon style à mes débuts. Aujourd’hui, ma devise serait plutôt d’être moins dirigiste dans ma manière de montrer les choses ; de me contenter de suggérer, tout en laissant une plus grande liberté d’interprétation au spectateur. À cause de mon parcours, j’ai envie de raconter une histoire. Mes éléments pour y arriver sont une bonne composition, l’alternance de couleurs chaudes et froides et des formes de taille différente. Je crée mon point d’intérêt, j’attire le regard vers le centre de l’histoire et je me sers des détails pour dérouler ma trame narrative.
Page 62 Brian Smith
Ma boîte d’aquarelle s’attache à un pied de photographe que j’ai adapté pour mes besoins. Ma boîte contient des pinceaux, un pot pour l’eau, ainsi que plusieurs feuilles de papier prédécoupées et transportées dans une pochette en plastique transparent. C’est tout ce dont j’ai besoin pour faire une aquarelle.
Démo Rescue Return
Il s'agit d'un exercice avec une palette de trois couleurs. J'ai utilisé du bleu outremer, de l'ocre jaune et du rouge cadmium afin que mon travail reste spontané.je n'ai pas fait d'esquisse préalable.
1
LES PREMIERS LAVIS
Je dépose du bleu outremer sur ma feuille, qui se mélange avec un peu de rouge de cadmium. Comme vous pouvez le constater, je laisse la couleur couler sur la feuille.
2
MASSES ET DYNAMISME
Tandis que le premier lavis est encore humide, j’utilise un mélange très dilué de bleu outremer pour suggérer les montagnes sur la droite. Puis, à l’aide d’un lavis plus dense de bleu outremer, mélangé là encore avec un peu de rouge de cadmium, je pose les masses des montagnes sur la partie gauche. Et lorsque les couleurs commencent à sécher, je dépose sur le premier plan un mélange d’ocre jaune – qui se mélange sur la feuille à du rouge de cadmium. Avec mon pinceau, j’insuffle une orientation à mes traits.
3
APPORTER DES OMBRES
Tandis que la feuille est encore humide, je racle avec mon vieux couteau à beurre, afin de donner une direction aux masses montagneuses. J’ajoute un peu d’ombre à mes couleurs du premier plan à l’aide de bleu outremer et d’ocre jaune.
4
FINAL
Une fois mon travail sec, je pose quelques touches de pigments plus purs afin de suggérer les personnages, après avoir levé les blancs dans le fond plus sombre à l’aide de la tranche de mon pinceau. La démo est terminée : il existe une alternance de tons chauds et froids qui crée une zone d’intérêt autour des personnages. Les temps de séchage sont très importants et l’exercice demande 20 minutes, tout au plus.
Rescue Return.
33 x 52 cm.
L.Hutchinson
Linda Hutchison En dire moins pour suggérer plus
APRÈS AVOIR EXERCÉ COMME ILLUSTRATRICE, L’ARTISTE AMÉRICAINE S’EST LANCÉE DANS LA PEINTURE À PLEIN TEMPS. SON STYLE EST FAIT DE FORMES SIMPLIFIÉES ET DE TONALITÉS SOURDES, DANS DES CAMAÏEUX DE GRIS ET DE BRUNS. UN CHEMINEMENT QU’ELLE NOUS DÉVOILE ICI.
Je définirais mon style comme un chaos organisé avec un sujet réaliste. Certains artistes trouvent mon travail très libre, alors que pour moi, il est encore trop dessiné. Mon processus implique à la fois une part de création et de destruction, au service d’une volonté de créer une réalité autre. L’aquarelle est la première technique que j’ai explorée, grâce à sa facilité d’installation, sa liberté et son côté aléatoire, que je trouve très excitants. Au lieu de suivre les formules toutes faites, je préfère résoudre chacun des problèmes lorsqu’il se présente. Comme on le sait, l’aquarelle est difficile à contrôler et offre donc beaucoup de libertés.
Page 68 Linda Hutchison
Je n’aime pas les pigments trop purs, j’ai le sentiment qu’ils sont trop criards. Je vis dans le nord-est de l’État de l’Ohio, à côté du lac Erié, qui est une des zones les plus nuageuses du pays. Je pense que ma peinture est le fruit de mon environnement quotidien. La plupart du temps, je mélange mes teintes neutres sur la palette et j’ai tendance à ajouter des gouttes de couleur plus vives dans mes zones humides : je cherche ainsi à obtenir des notes de couleur vive. La valeur et la température globales sont plus importantes que la teinte de la couleur. Je travaille toujours avec une palette limitée.
De l'intuition à la planification
La discipline vient avant la liberté. Au cours de l’étape de dessin, j’essaie de résoudre et d’anticiper les zones qui vont poser problème et je me donne une direction globale. Ensuite, j’essaie de perdre le contrôle et de laisser la peinture me parler. J’aime les surprises et les incidents heureux. J’essaie d’avoir un état d’esprit où je déconnecte les zones de réfl exion de mon cerveau et j’essaie de réagir aux passages et aux zones qui m’ont interpellée précédemment. Parfois, cela fonctionne, et d’autres fois, non. J’ai cependant tendance à croire que plus j’ai tendance à réfl échir, plus mon travail devient laborieux et contraint. « Agir et réagir », telle est ma devise. Très souvent, les passages que je préfère sont ceux qui ont été posés dès le départ. Le défi que pose chaque peinture est toujours quelque chose à prendre en compte. J’adore la nouveauté. Au fil des ans, résoudre les problèmes est devenu plus simple, car j’ai appris – très progressivement – que qui peut le plus peut le moins. J’essaye d’avoir des détails très précis dans la zone focale, tout en simplifiant graduellement, et en simplifiant en deux dimensions les autres zones, qui deviennent plus abstraites.
Aussi, ce qui me paraissait insurmontable au début revient à prioriser et résoudre mes problèmes.
Entre savoir-faire et improvisation
J’essaie tout d’abord d’éliminer de mon processus de pensée le couple bien/mauvais. Pour moi, toutes les peintures sont honnêtes car elles ont des zones qui sont plus réussies que d’autres, et des zones qui pourraient être améliorées. L’expérience permet d’augmenter le nombre de zones réussies. Je pense que la notion de ce qu’est une « bonne » peinture dépend de celui qui la regarde. Il m’est arrivé de vendre des peintures que je ne considérais pas mes meilleures. Et de la même manière, j’ai toujours dans mes cartons des aquarelles que je trouve plus abouties. J’adore la notion asiatique de « wabi-sabi » (un travail qui n’est pas parfait, éphémère et incomplet). Avec du travail et de la pratique, on peut affiner son sens esthétique. Et il en résulte un style personnel.
Dans mes cours, je consacre beaucoup de temps à la composition. Je pense qu’une bonne peinture doit se restreindre à 4 ou 5 formes principales. Ces formes doivent créer un rythme dynamique qui peut indiquer la réussite de la peinture avant même qu’un seul coup de pinceau n’ait été posé.
Nous nous servons souvent de papier-calque pour dessiner ces formes à l’aide d’un marqueur noir, contours y compris. Nous discutons ensuite des différentes combinaisons de formes en choisissant les meilleures, celles qui ont le plus de dynamisme et de vitalité. Notre boulot, en tant qu’artiste, est de jouer avec les compositions et les formes dans le but d’obtenir la meilleure oeuvre possible. Quant aux formes négatives, je les compare à une partition de musique où les blancs ont un rôle aussi important que les notes. L’espace entre deux fleurs est aussi une fleur.
Les Hortensias à la loupe
LE SUJET
J’ai cueilli ces hortensias au mois d’octobre dans un massif de notre cimetière local. L’air était frais. L’herbe et les massifs étaient bruns et desséchés… c’est un peu cette ambiance que j’ai voulu retranscrire dans mon tableau : le côté sec de ces têtes d’hortensias.LA COMPOSITION
Je me base toujours sur le nombre d’or pour le rapport entre mon sujet et l’espace derrière. Ce rapport de 1 sur 1,6 est utilisé pour le sujet si je souhaite un sentiment d’intimité, ce qui est souvent le cas.SON AMBIANCE
Ce tableau est tout en ambiance et en émotions. L’ambiance générale est quelque chose de très important pour moi, elle a la capacité de faire entrer le spectateur dans l’oeuvre. Ce tableau a été assez rapide à terminer, ce qui n’est pas toujours le cas.LES COULEURS
Les Hortensias a été peint presque uniquement avec de la terre d’ombre. J’ai ajouté à la fin un peu de rose dans les fleurs, attendu quelques instants, puis essuyé. Je voulais juste une touche de couleur.
Les règles que je suis ... Et celles que j'ignore
Je peins depuis plusieurs années. Mon esprit est encombré par des règles qui finissent toujours par ressortir à un moment ou un autre dans mon travail. J’essaye de mener à bien chacune de mes aquarelles tout en sachant que je n’apprécierai pas forcément son déroulé. J’essaie de m’en tenir aux notions de transparence, mais j’ajoute parfois d’autres techniques si besoin. J’ai toujours été attirée par le contraste entre les zones opaques et transparentes, aussi je n’hésite pas à avoir des zones très sombres. J’ajoute aussi parfois de la gouache, ou bien de l’encre, des lignes au crayon ou au fusain, ou même, plus rarement, au pastel. Comme l’ambiance prévaut, je mets tout ce que je sais faire à son service.
N.Fowkes
Nathan Fowkes : L'imaginaire au service du réel
« L’étude de l’impact de la lumière sur les formes est la base de tout ce que j’ai entrepris comme artiste. »

L’ARTISTE AMÉRICAIN NATHAN FOWKES TRAVAILLE ÉGALEMENT DANS LE MONDE DE L’ANIMATION. IL NOUS EXPLIQUE ICI LES BASES DE SA PEINTURE À L’AQUARELLE… ET SA QUÊTE DE LA LUMIÈRE.
La décision la plus importante dans une peinture doit se prendre avant même que le pinceau ne touche la toile. Comme il est impossible de rendre la complexité de tout ce que nous voyons, nous devons nous poser les questions : « Pourquoi est-ce que j’ai choisi ce sujet ? Pourquoi ai-je envie de le peindre ? ». Puis, tandis que nous peignons, il est essentiel de respecter cette idée initiale au lieu de succomber à l’envie de peindre les détails de tout ce que l’oeil perçoit. Dans mes cours de peinture de portrait, par exemple, il arrive souvent que mes élèves admirent le profil élégant du modèle : et au bout de la séance, leur peinture met trop l’accent sur les contrastes dans les cheveux et le fond. C’est techniquement correct mais l’ajout de tous ces détails ne fait que brouiller le portrait, au lieu de le mettre en valeur. Un appareil photo est capable de donner une meilleure image que n’importe quel peintre le ferait. Si l’on s’en tient à l’image qui nous a inspirés, nos peintures seront à la fois belles et feront sens. Un appareil photo ne se soucie pas du sujet et ne fait pas de choix. C’est pourquoi les peintres sont encore plus pertinents à l’époque de la photographie instantanée.
Page 74 Nathan Fowkes
MA PREMIÈRE SOURCE D’INSPIRATION
À l’âge de 15 ans, mes parents m’ont abonné à un magazine d’art et un des premiers numéros comportait un article sur Richard Schmid. Ses dessins et ses peintures m’ont beaucoup inspiré, notamment pour la façon dont il combine une approche très picturale et un dessin parfait. Mais plus que tout, ses peintures recèlent toujours une part de mystère.
Certaines parties ne sont qu’un magma abstrait tandis que d’autres sont précisément dessinées. C’est toujours quelque chose que j’ai essayé moi aussi de rendre dans ma peinture.
« VOIR » LE SUJET
Je suis obsédé par la composition. Par exemple, quand je découvre une scène qui présente un intérêt en termes de combinaison de formes et de motifs d’ombres et de lumière, je fais de mon mieux pour tenter de rendre ces éléments dans la peinture finale. Les spectateurs réagissent généralement positivement à une oeuvre qui a un sens. Personnellement, je considère que les deux éléments les plus importants dans une peinture sont la gamme de valeurs et la composition.
J’aime beaucoup l’adage selon lequel « la composition fait tout le travail, même si on a l’impression que la couleur est plus importante ».
LES ÉLÉMENTS QUI FONT UN « BON » SUJET
Ce qui fait qu’un artiste choisit tel sujet plutôt qu’un autre est une des meilleures choses en art. Les artistes nous apportent quelque chose de nouveau, ou ils nous montrent le monde tel que nous le verrons jamais par nous-mêmes. En ce qui me concerne, je suis obsédé par la lumière.
L’IMPORTANCE DE LA LUMIÈRE
Je travaille principalement dans l’animation et comprendre comment fonctionnent les ombres et les lumières est une des choses les plus importantes que je dois maîtriser. Mon travail exige que j’aie une compréhension technique de la manière dont la lumière fonctionne, afin que je rende crédibles les scènes que je représente. La lumière est un élément puissant pour raconter une histoire ; des passages d’ombre et de lumière peuvent être utilisés pour mettre l’accent sur les moments clés du film.
Elle est également capable de rendre les émotions : de vifs contrastes de lumière peuvent décrire le dynamisme d’une scène, tandis que des nuances subtiles de lumière peuvent rendre l’atmosphère.
En fait, la lumière est tout ; on ne peut percevoir le monde sans lumière et nous devons donc nous efforcer de la comprendre. Avant même de travailler dans l’industrie du film, j’ai développé ce sens de l’observation à travers la peinture. L’étude de l’impact de la lumière sur les formes est la base de tout ce que j’ai entrepris comme artiste.
LES ERREURS COMMISES LE PLUS SOUVENT À L’AQUARELLE
- Une des erreurs les plus courantes commises à l’aquarelle est de penser en termes de technique, plutôt qu’en termes de principes fondamentaux, tels que le dessin, les valeurs et la composition. Il est vrai que les pigments denses en aquarelle sur une feuille de pur coton peuvent rendre des effets exquis, il n’en demeure pas moins que l’aquarelle trouve sa plus belle expression lorsque la technique repose sur des principes solides.
- En tant qu’enseignant avec plus de 15 ans d’expérience, j’ai vu chacun de mes étudiants répéter exactement les deux mêmes erreurs.
Et ces erreurs fondamentales sont : travailler avec une gamme de valeurs limitée et se tromper dans le rendu des contrastes. Avez-vous déjà entendu un artiste ou un professeur vous dire de vous limiter à seulement quatre valeurs d’ombre et de lumière ? Pourquoi faire une telle chose ? Pourquoi devrions-nous nous restreindre alors que le monde est rempli d’ombres et de lumières complexes ?
La réponse est simple : nous sommes obligés de le faire. Notre technique est tout simplement incapable de rendre toutes les subtilités de ce que nous voyons. - À l’aquarelle, considérez le noir d’ivoire comme le sombre le plus sombre, soit l’ombre la plus obscure, et le blanc de la feuille vierge comme le blanc le plus blanc, soit la lumière du soleil. Même le blanc du papier reflète un peu de lumière et les pigments les plus sombres renverront un peu de lumière.
De là vient toute la difficulté. Nous essayons de représenter ce que nous voyons à l’aide d’une technique qui n’est pas à même de représenter la réalité !
Vous serez toujours incapable de peindre tout ce que vous voyez et pourtant, les débutants ne comprennent pas cette règle fondamentale, d’où les résultats qu’ils ne trouvent pas satisfaisants. - Laissez-moi vous expliquer ce que j’entends par une mauvaise interprétation des contrastes du sujet, parce que c’est quelque chose de très important. C’est un élément que beaucoup d’amateurs ont du mal à saisir, quelque chose qui les empêche de peindre d’après modèle vivant.
Essayons de le comprendre ensemble : le rôle de nos yeux est de recueillir autant d’informations que possible à partir du monde visible. Ces informations nous viennent sous la forme de contrastes.
Nous comprenons ce que nous voyons parce qu’une forme contraste avec une autre. Nous sommes ainsi capables de percevoir les changements. Cela fait partie de notre instinct de survie et c’est ce qui nous permet de rester en vie. Mais ironiquement, c’est aussi ce qui risque de détruire nos efforts en peinture. - Prenez un visage, par exemple, tout en expression : un vrai défi à peindre. Voici ce qui semble toujours se passer avec des étudiants : ils vont avoir tendance à étudier avec soin l’anatomie et les traits du visage, afin de le peindre de la manière la plus exacte possible.
Mais dès que le modèle fait une pause et que les peintres prennent du recul sur leur travail, ils sont effrayés et ont l’impression que leurs efforts ressemblent plus à un sac de noix qu’un visage ! « Mais j’ai pourtant peint exactement ce que je voyais ! Pourquoi est-ce que j’ai obtenu ce résultat-là ? ».
En fait, ils ne peignaient pas exactement ce qu’ils voyaient, ils se concentraient sur les contrastes individuels et tâchaient de les rendre au lieu de prêter attention à la façon dont les parties s’accordaient entre elles. - Nous avons tous tendance à commettre l’erreur perceptuelle d’accorder trop d’importance aux contrastes individuels de valeurs, au détriment de l’ensemble : les sombres deviennent plus sombres, les clairs plus clairs, avec pour résultat que les amateurs obtiennent des résultats qui ne leur conviennent pas.
Pire : plus ils essaient de reproduire ce qu’ils voient, plus les exagérations sont fortes. À la fin, ils lèvent les yeux au ciel, déclarent qu’ils sont dénués de talent et quittent les cours.
Démo Costume Renaissance
1
L’ESQUISSE
Ma première étape consiste à esquisser les formes du personnage puis à poser de la gomme à masquer là où je souhaite préserver les blancs du papier. Je couvre ensuite ma feuille d’un lavis doré sur lequel je pose, une fois sec, un dessin marron avec un crayon Prismacolor.
2
PREMIÈRES COULEURS
La meilleure façon de réussir ce portrait est d’arriver à garder simples toutes ses complexités. Je pose donc mes premières formes à l’aide de couleurs franches. J’enlève également la gomme à masquer afin de révéler les lumières fortes.
3
FOND ET CONTOURS
Les couleurs et les valeurs du fond auront le rôle important d’être les complémentaires de celles du portrait, aussi je pose des couleurs sombres et neutres. Les contours sont également très importants : ceux qui entourent la silhouette sont plus nets, tandis que ceux de la barbe restent plus diffus.
4
LES TEXTURES
Je me lance maintenant dans les textures. À l’aide d’un crayon Prismacolor marron, je dessine les traits du visage, que je viens ensuite densifier à l’aide de lavis légers et sombres ainsi qu’avec des rehauts secs de lumière (auxquels j’ajoute de la gouache blanche).
5
FINAL
Je termine les cheveux et la barbe ainsi qu’à poser des accents de lumière opaque pour représenter le bras de la chemise blanche. La température de la couleur est ici très importante ; bien que la barbe soit brune, elle est plus froide que la peau et les vêtements qui l’entourent et elle prend une teinte globalement verte là où elle est touchée par la lumière froide.
Je considère que les deux éléments les plus importants dans une peinture sont la gamme de valeurs et la composition.
M.Carver
Rhodes Old Town,Greece.
25 x 19 cm
Le thème commun qui relie mes oeuvres est le contexte du voyage à travers le paysage, les espaces maritimes et urbains. Les points d’intérêt et des sujets plus anodins me servent bien souvent à illustrer les carnets de voyage que je publie sur mes lieux préférés.

Malcolm Carver, De l’architecture à l’aquarelle
CET ARTISTE AUSTRALIEN TIRE SON SAVOIR-FAIRE À L’AQUARELLE DE SES ANNÉES D’EXPÉRIENCE COMME ARCHITECTE. INSPIRATION, CHOIX DE SUJETS, TRAITEMENT, IL S’EXPLIQUE.
Je dessine depuis mon enfance et je suis devenu architecte, ce qui nécessitait des compétences graphiques pour être en mesure de communiquer avec les clients – bien avant l’arrivée des ordinateurs !
Le dessin à la main était alors la règle. Les illustrations étaient ensuite mises en couleurs à l’aquarelle, afin de rendre les textures. L’arrivée des ordinateurs a considérablement changé la donne, même si le dessin reste un outil incomparable, avec sa spontanéité, sa vitesse d’exécution, sa capacité à rendre les détails. Le dessin est un extraordinaire outil de communication. La couleur doit être minimale.
Faire des esquisses chaque jour me pousse à être en état d’observation constante, de filtrer ce qui est essentiel, c’est-à-dire de savoir ce qu’il est important de garder ou de délaisser, et de ne pas trop travailler une peinture.
L’aquarelle a été une progression naturelle, avec toujours un dessin léger, que d’autres ont décrit comme étant « du dessin avec le pinceau ». Le processus est le même mais le résultat est différent. Je donne toujours la préférence à une palette de couleurs minimales, sans aucun verts.
Prendre conscience des qualités exquises de cette technique transparente et me rendre compte que l’aquarelle est bien plus que de la mise en couleurs. J’ai mis longtemps à comprendre que l’aquarelle est une question de lumière et de valeurs, et non de couleur.
Trop souvent, on nous enseigne que l’aquarelle est une forme de coloriage. Adopter cette attitude, c’est suivre le chemin de la paresse. Par l’étude de la calligraphie chinoise et en regardant mes étudiants surtravailler leurs aquarelles, j’ai compris qu’il valait mieux d’adopter une attitude minimaliste, avec le moins de gestes possibles.
J’aurais aimé découvrir plus tôt que l’aquarelle doit couler sur la feuille au lieu d’être du remplissage de formes.Page 78 Malcolm Carver
Laisser les choses se faire ! Savoir profiter de ce petit plaisir de voir les pigments se mélanger seuls et les couleurs naître sur la feuille. L’aquarelle est une technique expérimentale.
Avec un peu de connaissances sur le comportement des couleurs, vous pouvez lâcher prise. Le plaisir de créer des gris lumineux, plutôt que de prendre ceux déjà mélangés a renforcé mon désir d’utiliser le moins de pigments possible et de peindre en toute liberté et confi ance. Certains accidents heureux sont une source de bonheur, aussi laissez faire et ne surtravaillez pas votre aquarelle. Il vaut mieux une touche que dix. Gardez une approche expérimentale et ne corrigez pas vos erreurs prématurément.
LES CONSEILS DE MALCOLM CARVER POUR PROGRESSER
La préparation est essentielle, aussi il est important de pratiquer et d’augmenter sa confi ance en son sens de l’observation et donc d’augmenter ses capacités de dessin. Il faut apprendre à voir plutôt que dessiner de mémoire.
C’est quelque chose d’essentiel et de crucial avant la peinture proprement dite. Deuxièmement, il faut se pousser à expérimenter avec des formes abstraites avec des pigments bleus et bruns, avec de l’eau claire : les laisser couler et se mélanger permet de comprendre comment la fusion des couleurs opère.
Adopter une approche spontanée permet de rompre la vieille habitude de remplir les formes, d’essayer de mettre trop de détails, et vous permet également d’accroître votre confi ance en vous, en acceptant les résultats. Ne revenez pas en arrière sur une aquarelle pour tenter de l’améliorer. C’est en pratiquant que l’on progresse !
Le meilleur conseil que j’ai reçu me vient de l’artiste australien Lloyd Rees (1893-1986) : “cherchez la lumière et vous la trouverez”.
Mon style est venu par un mélange de concentration, de pratique et d’expérimentation. Inspirez-vous d’autant d’aquarellistes que vous le souhaitez, mais vous devez à tout prix éviter de copier le style exact d’un autre artiste. J’ai commencé à apprécier mon propre travail, qui a doucement évolué alors que je gagnais confi ance en moi. Je n’ai pas cherché les avis de ma famille, mais plutôt celui des pairs que je respectais. J’étais très critique envers moi-même et prêt à jeter beaucoup d’oeuvres, tout en gardant les aquarelles qui me paraissaient marquer des étapes importantes. J’ai essayé de ne pas être timide, d’être au contraire téméraire, et j’ai ainsi construit ma confiance en moi-même, en adoptant différentes touches : des tracés sec sur sec, avec peu d’eau et beaucoup de pigments.
Nous possédons tous un style inimitable et nous pouvons aussi être inspirés par les autres ; alors, j’ai regardé comment procédaient les autres aquarellistes, tout en pratiquant moi-même de mon côté. Mes petites esquisses sont parfois plus satisfaisantes parce que je ne m’attends pas forcément qu’elles soient des grandes réussites.
Démo Burns Bay
1
LE DESSIN
Le succès d’une peinture commence par regarder et comprendre le sujet. Un dessin précis est effectué, en tenant particulièrementcompte de la manière dont la lumière et les ombres tombent.
3
LES SOMBRES
Je peins les ombres dans le plan intermédiaire avec des valeurs plus sombres et dépose des gouttes de terre de Sienne brûlée et de bleu outremer dans les zones humides. Ces sombres rendent une ambiance de lumière matinale.
5
LES DÉTAILS
Je m’assure que les lignes de flottaison des bateaux sont bien horizontales afin d’indiquer le calme de l’eau. A l’aide d’un pinceau presque sec, j’ajoute des éléments de végétation. Puis j’ajoute quelques détails au crayon pour suggérer les mâts et les reflets des bateaux…et je termine par ma signature.
Burns Bay, Sydney Harbour.
26 x 76 cm.
L.Kerk-Hwang
J’ai grandi dans une petite ville avec beaucoup de vieux bâtiments. L’histoire et la vie derrière chacun de ces vieux vestiges m’attirent beaucoup plus que leur structure ou leur surface. À travers ma représentation des détails, une palette de couleurs qui inspirent des émotions et des contrastes d’ombre et de lumière, je me remémore les souvenirs de mon enfance, qui entrent parfois en résonance avec ceux des spectateurs.
Page 84 Lok Kerk-Hwang
Afin de garder la transparence de l’aquarelle, je me restreins à 3 ou 4 passages seulement. J’ai dû faire beaucoup d’expériences pour arriver à ce résultat. Toutes les couleurs doivent être choisies à l’avance avant de peindre : je commence parun fond mouillé sur mouillé, suivi d’une deuxième couche moins humide puis je termine par les ombres. C’est à la fois un défi mais aussi une source de satisfaction. La granulation est une des caractéristiques de l’aquarelle que j’apprécie tout particulièrement. Chaque pigment, ainsi que ses propriétés chimiques, doit être étudié afin d’obtenir le résultat précis que l’on souhaite. Je préfère mélanger mes couleurs sur ma feuille plutôt que sur la palette, car ainsi j’obtiens des accidents qui me conviennent parfaitement.
PEINDRE PAR SÉRIE POUR MIEUX EXPRIMER SES IDÉES
Je peins des choses du quotidien qui sont délaissées et je souhaite faire passer le message suivant : je suis inspiré par des sujets qui m’interpellent et je cherche à en montrer les beautés et les charmes cachés. J’espère que mes peintures feront surgir chez le spectateur des souvenirs enfouis. Je peins souvent par séries, car je pense que c’est la meilleure manière de m’exprimer. Je choisis généralement le nom de la série une fois que j’ai effectué plusieurs peintures sur un même thème. Je ne me limite pas à un nombre d’oeuvres fixées à l’avance : certaines peintures sont réalisées des années après la précédente. Tant que je suis inspiré, la série continue !
UNE PRÉDILECTION POUR LE VIOLET
Le violet (et surtout la teinte Purple Lake, laque pourpre) demeure une de mes couleurs préférées pour rendre les ombres. Je prends note des teintes qui entourent les ombres, et j’ajoute ensuite du violet pour obtenir la couleur de ces dernières. Je pense que le violet est la couleur complémentaire idéale de presque toutes les nuances, textures et surfaces
UN MATÉRIEL DE QUALITÉ
Le papier et les aquarelles sont les deux choses les plus importantes. Depuis 1993, je ne peins que sur des feuilles Arches grain torchon, de 640 grammes et 300 grammes. J’ai utilisé des aquarelles Winsor & Newton pendant vingt ans et, depuis deux ans, j’ai découvert les aquarelles Daniel Smith et Mijello Gold Mission. Les couleurs de ces deux marques sont vives et offrent des possibilités insurpassables de granulation. Grâce aux nouvelles technologies et à l’amélioration constante des papiers aquarelle, je suis sûr de la bonne tenue dans le temps de mes oeuvres, ce qui rassure aussi mes collectionneurs et les amateurs d’aquarelle au sens large.
Démonstration N°1 Wheels n°5 étapes
1
Le dessin préliminaire
Il s’agit d’un de mes tableaux préférés de ma série « Wheels ». Je commence par un dessin précis au crayon avant d’appliquer la gomme à masquer.
2
L’arrière-plan abstrait
Le fond de la photo originale est complexe, aussi je décide d’adopter une approche mouillée sur mouillée afin de mettre en valeur le sujet principal. Je prends des aquarelles Mijello dans des teintes de bleus et de violets.
3
Le cadre du triporteur
J’enlève délicatement la gomme une fois l’aquarelle complètement sèche. Je peins le cadre du vélo à l’aide de terre de Sienne brûlée, de bleu de manganèse, de bleu de cobalt, de bleu outremer et de brun Van Dyck.
4
Mouillé sur mouillé et mouillé sur sec
J’alterne entre un travail mouillé sur mouillé et mouillé sur sec. J’aime bien peindre avec des aquarelles Mijello, qui sont à la fois lumineuses et veloutées.
5
Apporter de la profondeur
J’ajoute les derniers détails ainsi que les dernières ombres, obtenues à l’aide d’un mélange de bleus, de verts et de violets.
6
Le final
J’ajoute les derniers détails ainsi que les dernières ombres, obtenues à l’aide d’un mélange de bleus, de verts et de violets.
Démonstration N°2 FLYING DRAGON N° 6 étapes
1
Le dessin préliminaire
On trouve des statues chinoises de dragon dans beaucoup de temples, et celle-ci a particulièrement retenu mon attention. Comme à mon habitude, tout commence par un dessin précis sur la feuille, avant de passer sur l’arrière-plan un lavis de bleu et de violet de chez Daniel Smith qui me permet de mettre en valeur mon sujet.
2
Rendrel’érosion
J’enlève la gomme à masquer une fois ma peinture parfaitement sèche. La sculpture originale est peinte en blanc, ce qui n’est pas très intéressant à rendre, aussi je décide de prendre des tonalités grises Daniel Smith (série Primatek) pour rendre le passage du temps et l’érosion sur la sculpture.
3
La patience nécessaire
La patience est essentielle pour rendre une peinture telle que celle-ci : elle demande plusieurs lavis successifs et des gestes sur sec afin de dépeindre les surfaces et les textures.
4
Obtenir les bonnes valeurs
À l’inverse des couleurs traditionnelles, les peintures Primatek de Daniel Smith contiennent des pigments minéraux authentiques avec lesquels je peux facilement obtenir les valeurs que je souhaite.
5
Rendre le volume
Je me lance dans les valeurs sombres qui me permettront de donner du volume à la statue. Les ombres sont obtenues par des lavis successifs de violet et de bruns.
6
Le final
Il est temps de figurer les derniers détails. Je pose également les dernières ombres violettes sur la statue.
Votre oeuvre suivante sera toujours meilleure.
Continuez à peindre.