Dans ce numéro 31 de l'Art de l'aquarelle, nous débutons la rubrique actualité par le Baltic Bridges 2016, qui s'est tenu en Lituanie et la 15ème Biennale de la New England Watercolor Society . Enfin, l'exposition organisée au musée de Shenzhen, en hommage à Xidan Chen.
Deux américaines sont révélées, L.S. Eldridge et Vickie Nelson, ainsi que la Sud-Africaine Kate Graham et l'australienne Yvonne Overton , la française Véronique Sustrac.
Peggi Habets nous fait rencontrer le coeur de l'humanité, et Polina Egorushkina nous donne un sentiment de liberté avec une peinture abstraite. Diane Boilard représente également la nature dans sa trame de couleurs.
La vie d'artiste est celle de la Japonaise Keiko Tanabe , le portfolio celui de Mark Elsmore qui transcende le quotidien. Jacques Villares Castillo et Michael Reardon sont également des aquarellistes urbains.
Nous visitons la couleur à l'état brut dans l'atelier de Lyn Evans et prenons une leçon de valeur avec Lois Wolford. Démo sur scène de rue avec Miguel Linares Rios et portraits d'inspiration Maya pour l'Américaine Jan Ledbetter.
L'actualité
Ken Goldman, Totally Fried. 56 x 56 cm
International Master Watercolor Exhibition
L’exposition se tient à la Puyao Art Gallery de Jimo. Elle place l’artiste au centre de ses préoccupations. Elle était consacrée aussi bien aux maîtres asiatiques qu'aux artistes occidentaux.
Le commissaire de l'exposition est l'aquarelliste Chinois Tianya (Voir précédent numéro, AdA 30) . Si l’artiste est prêt à faire don d’une oeuvre exposée, les organisateurs doivent payer son déplacement en Chine.
Brian Stratton, Green Stones, 54 x 73,5 cm
John Yardley, Canalside, Venice. 36 x 50 cm.
Stanislaw Zoladz, Sälviken, 56 x 76 cm.
Baltic Bridges 2016
Cette Biennale international d'aquarelle a lieu en Lituanie depuis 2006. Sélectionnées par un jury, plus de 200 oeuvre sont exposées à Kaunas. Eugenijus Nalevaika explique le thème de cette année 2016.
Le thème de la Biennale, « Défis et enjeux », a été annoncé en février 2016. Tous les artistes travaillant à l’aquarelle ont été invités à soumettre des photos de haute qualité de leurs oeuvres. Les principaux critères de sélection étaient les suivants : excellente maîtrise technique, originalité, conformité des oeuvres avec le thème. En outre, les oeuvres ne devaient pas avoir été peintes avant 2014 et il fallait au moins qu’une des aquarelles proposées mesure 50 cm ou plus. Il était possible de proposer jusqu’à 5 tableaux. Plus de 110 artistes de 15 pays ont proposé leur travail : le jury a ainsi visionné 500 images et sélectionné 60 artistes.
Page 14 Eugenijus Nalevaika
6 artistes ont reçu le diplôme de l’International Watercolour Biennial Baltic Bridges : Irena Breiviene (Lituanie, tableau ci-contre), Girmantas Rudokas (Lituanie), Mall Paris (Estonie), Dainis Gudovskis (Lettonie), Friederike Graben (Allemagne) et Lena Johansson Fahlén (Suède). Ces prix récompensent la diversité des approches de l’aquarelle et les modes d’expression de chacun des artistes.
New England Watercolor Society (News)
Qu'est-ce que la News? Pas si nouvelle que cela, puisque a première exposition a eu lieu en 1885, sous le nom d’origine de Boston Watercolor Society. Des expositions ont été tenues annuellement jusqu’en 1892, jusqu’à ce que la société soit réorganisée et renommée Boston Society of Watercolor Painters. Parmi les 27 membres fondateurs figuraient Thomas Allen, président jusqu’à sa mort en 1924, et John Singer Sargent, membre honoraire.
Pour devenir membre signataire, les artistes doivent être acceptés dans 4 expositions (dans un délai de dix ans) dans ce qui doit être une des biennales d’Amérique du Nord les plus exigeantes qui soit. Nous avons environ 200 membres signataires actifs, avec 5 à 7 de plus chaque année. Les artistes doivent soumettre des oeuvres dans des médiums à l’eau sur papiers aquarelle ou synthétiques. Ils doivent également résider – ou être représentés par une galerie – dans un des États de la Nouvelle-Angleterre.
Page 16 Dawn Evans Scaltreto, présidente de la News
Révélations
L'Américaine LS Eldridge
L'art a toujours fait partie de ma vie. Pour mon septième anniversaire, j’ai demandé à mes parents d’avoir un vélo et d’aller visiter la Tate Gallery à Londres. En étudiant et l’art et le dessin de mécanique, j’ai découvert le pouvoir des relations spatiales dynamiques. Ainsi n’est-il pas surprenant que j’explore et intègres ces deux disciplines dans mes oeuvres. Mon travail se concentre sur la représentation, la construction de l’oeuvre étant là pour raconter l’histoire alors que les composants utilisés permettent de délivrer des symboles et des indices au spectateur. Si je suis attirée par maints sujets, ceux qui ont ma faveur comprennent des éléments audacieux que je trouve intrinsèquement charismatiques.
Page 20 LS Eldridge
ZOOM SUR… TOOLED UP : Cette oeuvre a reçu le prix du Réalisme Gibson Luckenbill RBC Wealth Management lors de l’exposition internationale de la Pennsylvania Watercolor Society en 2015.
Dans Tooled Up, les ombres colorées symbolisent la nature éthérée et cependant transitoire des objets et de la mémoire. Pour obtenir un aspect lumineux et transparent, j’ai passé de multiples lavis colorés sur ma feuille, mouillé sur mouillé, puis j’ai terminé en posant un glacis mouillé sur sec. J’ai fait attention à réserver le blanc du papier pour les rehauts de lumière, mais j’ai aussi utilisé une brosse humide pour ôter de la peinture et ainsi atténuer certains effets.
L'Américaine Vickie Nelson
L’aquarelle a capturé mon coeur dès l’instant où j’ai posé de la peinture sur le papier. C’était en 1982, et ce coup de foudre continue encore à ce jour.
Page 22 Vickie Nelson
Les fleurs de style impressionniste, les animaux et les clowns sont les sujets que je peins le plus actuellement, même si je me suis déjà essayée à tous les sujets.
C’est véritablement l’acte de peindre qui alimente ma passion pour l’aquarelle. Je me considère comme une puriste et j’essaye de restituer l’aspect de ce que je veux sans ajouter d’autres éléments, comme de la gouache, du gesso ou des collages.
Mais je ne suis pas non plus opposée à m’en servir pour rendre une oeuvre viable. C’est la beauté de l’aquarelle pure qui stimule mon imagination et qui réconforte mon esprit.
Je vis à Camas, dans l’État de Washington, et je donne aussi des cours. Je me suis formée à l’art à travers des ateliers et des stages avec des artistes connus, comme Irving Shapiro, Charles Reid, Eric Wiegardt, Frank Webb, Mary White, pour n’en citer que quelques-uns.
L'Australienne Yvonne Overton
C’est en assistant à un stage de deux jours qu’est né mon intérêt pour le médium aquarelle ; je n’avais auparavant jamais envisagé de peindre, bien que j’eusse dessiné toute ma vie et entrepris une carrière dans le stylisme, le design et l’enseignement.
Page 23 Yvonne Overton
Une fois à la retraite, nous avons quitté notre ferme isolée pour nous installer dans une bourgade rurale, où j’ai pu entamer une formation universitaire, qui s’est soldée par l’obtention d’un diplôme de l’université de Newcastle, où l’acrylique et l’huile étaient des médiums prisés. Le véritable voyage a ensuite pu commencer avec le défi que représentait l’aquarelle, cette technique tout à la fois belle, passionnante mais ô combien frustrante parfois.
Parce que j’ai toujours été une artiste isolée, j’ai principalement acquis mes connaissances et mon savoir-faire à travers les livres et les magazines, complétés par quelques stages ici et là. Comme j’ai des affinités avec la campagne, je peins des paysages traditionnels, en particulier les rivières et points d’eau de notre région où le temps est souvent chaud et sec, mettant plus particulièrement l’accent sur la fluidité et la transparence de la peinture afin d’obtenir cette subtilité de la lumière et de la forme.
De manière générale, je mélange la peinture avec une grande quantité d’eau puis je pose un lavis de manière rapide sur toute la surface du papier. Ensuite, avec moins d’eau, je construis des formes en positif pendant que le papier, en séchant, passe par toutes les phases d’humidité et de semi-humidité.
La Française Véronique Sustrac
Gagnante du concours AdA 30, Véronique est graveur, illustratrice et aquarelliste. Elle est née en Avignon. Aujourd’huil, elle vit et travaille en région parisienne, à Chilly-Mazarin. Diplômée de l’École supérieure nationale des beaux-arts de Paris, elle a remporté les Prix Pierre Cardin (1999), Joop Stoop (2004) et Paul Gonnand (Fondation Taylor, 2009).
Je suis souvent étonnée, au regard d’expositions, de magazines, d’artistes pratiquant l’aquarelle, de la diversité des rendus possibles, à la fois très complexes dans la technique et riches d’aventures et de découvertes. J’inscris ma démarche dans cette perspective de maîtrise technique et d’élan créatif en laissant la porte ouverte à l’improvisation, aux « accidents », à la transgression des règles établies. Je peux, par exemple, dans un esprit de découverte, réaliser une aquarelle en utilisant un mélange de teintes sombres, presque saturées, et dans l’humide, déposer des couleurs vives, lumineuses, en touches crémeuses, retrouver des blancs en sculptant la matière et sur le sec, peindre en glacis pour accentuer, modifier une teinte ou amplifier une forme pour la rendre plus réaliste. Je travaille sur cette complexité technique en ce moment, en abordant le thème des racines, des entrelacs de lianes et de végétaux divers. C’est hasardeux, mais le rendu peut s’avérer très satisfaisant, un toucher proche du velours, texture que j’affectionne particulièrement.
Page 94 Véronique Sustrac
La peinture préférée d'Shirley Trevena
Ma peinture préférée cas ce thème intérieur/extérieur est quelque chose qui apparaît dans beaucoup de mes peintures. Des vues à travers des portes, des fenêtres sur des espaces ouverts sont représentées dans plusieurs de mes natures mortes. J’ai chez moi de larges fenêtres et beaucoup de plantes, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur ; la pièce de vie et le jardin ne sont séparés que par une vitre.
MA MÉTHODE DE TRAVAIL: Le seul dessin préparatoire que j’ai fait pour cette peinture est une petite esquisse des lys blancs. J’aime travailler avec un contour au crayon ; cela me laisse la liberté d’ajouter ou de supprimer des couleurs au fur et à mesure de mon travail. Les objets et les fleurs sont principalement disposés sur la droite de l’image, mais la composition s’équilibre grâce au banc blanc, ainsi que grâce au mur et au bandeau dans la partie supérieure.
LE RÉSULTAT : J’ai cherché dans cette oeuvre à trouver une manière d’ajouter du mystère au formalisme d’une nature morte ; cette peinture d’intérieur donne au spectateur un simple aperçu du jardin extérieur. Le banc ouvragé et la porcelaine apportent plus d’indices sur cette position délicate, pas tout à fait à l’intérieur, ni à l’extérieur. Mais les amaryllis carmin sont les vraies étoiles de ce spectacle… et ils brillent dans le soleil Page 86 Shirley Trevena
Ma dernière peinture
Ces artistes ont déjà été publiés dans l'Art de l'Aquarelle, nous retrouvons leur dernière peinture.
Monkstone point
Naomi Tydeman
48 x 48 cm
La vue représente la pointe de Monkstone, que je vois presque tous les matins et tous les soirs.
Scissor Bridge,
Peter Jablokow
66 X 104 cm
Comme les roues du wagon étaient trèsimpressionnantes, j’ai décidé de leur accorder beaucoup d’importance, au premier plan.
Blue Boy,
Carol Carter
76,2 X 56 cm
Je tente de rester expressive sans me sentir contrainte par l’anatomie de l’animal ou les détails.
De tout et de rien,
Jean Vigué
18 X 28 cm.
Ces carnets me donnent une liberté certaine, sans a priori et sans jugement extérieur, tout simplement le plaisir du moment
La fontaine des Jacobin,
Franck Hérété
60x80 + 80X80 + 60x80
Se renouveler en permanence : les sujets, couleurs, textures, mais aussi les formats.
The River Meon, Hampshire
Joe Dowden
36x59cm
La version précédente manquait de symétrie, et la rivière avait été brossée de manière un peu trop rapide.
Symphony of Rust n°14,
Lok Kerk Hwang
56x76 cm cm
Mon but est de dessiner leurs charmes et la beauté cachée de notre quotidien.
Li River,
Michal Jasiewicz
35x54 cm
J’avais trouvé un emplacement magnifique, un barrage sur la rivière Li.
P.Habets

Au coeur de l'humanité avec Peggi Habets
Même si j’aimerais que chacune de mes peintures se déroule facilement, j’apprécie les efforts que demandent certains tableaux plus complexes que d’autres. Et j’apprécie de voir évoluer mon oeuvre. Plus je peins, plus je souhaite aller au-delà de la simple description et avoir quelque chose à dire avec ma peinture.
Je suis une observatrice par nature et je me trouve attirée par les personnes de la rue interagissant dans leur univers quotidien. Je peux être au départ attirée par le geste d’une personne, son expression ou ses sentiments, mais très souvent une histoire va émerger alors que je travaille le design et la composition.
Page 31 Peggi Habets
Disconnected : voici l’exemple d’une peinture qui s’est déroulée sans accrocs.
Après avoir trouvé l’idée d’associer la Madone et son enfant au vitrail représentant les deux mêmes personnages, la composition de la peinture s’est faite d’elle-même. Le tableau fini est très proche de la petite esquisse colorée qui l’a précédé. Il est le reflet du sentiment d’inadéquation que peuvent ressentir beaucoup de personnes envers leur religion ou leur communauté, à cause de la couleur de leur peau, de leur identité sexuelle ou autre…
Je travaille actuellement à une série sur les danseuses ; j’ai plusieurs oeuvres en tête. J’habite depuis peu dans la ville de Pittsburgh, en Pennsylvanie. J’ai découvert que la banlieue est un puits sans fond d’inspiration. La population est très diversifiée et la ville est remplie de personnages intriguants qui ont des histoires à raconter. Mon quartier se compose de rues historiques, d’allées qui serpentent et de vieux bâtiments magnifiques.
J’ai créé une série d’instantanés de la vie quotidienne qui, mis bout à bout, permettront, je l’espère, de donner une vue complète de cette ville extraordinaire.
Mes peintures de ballerines ont été créées pour une exposition en particulier. J’ai continué cette série sur les danseuses bien après l’exposition, parce que j’appréciais l’idée d’expérimenter avec les couleurs, la technique et les styles… et je pense que ma peinture en a profité. Cette oeuvre sera exposée à l’occasion de la 96e exposition internationale de la National Watercolor Society, à San Pedro, en Californie, jusqu’au 18 décembre 2016.
Le processus d'une création
SIMPLIFIER LES VALEURS DE LA PHOTO
La photo a été postérisée, c’est-à-dire que le nombre de valeurs et de couleurs a été diminué, processus aussi connu sous le nom d’isohélie. Cette nouvelle image me permet de déterminer les valeurs du tableau.
ÉTUDE DE VALEURS
Mon idée était ici de recréer l’atmosphère d’une calme partie d’échecs le matin, sans personne autour ; comme si deux amis s’étaient retrouvés en cachette pour jouer ensemble.
ÉTUDE DE COULEURS
Il était enfin temps de tester les couleurs que j’avais en tête, une alliance de tons chauds et froids.
Démo : Thank you for Your Service
Je commence par une étude de couleur. J’ai ajouté suffisamment de détails pour donner au spectateur un avant-goût de la vie du modèle. J’ai disséminé des indices à travers le chapeau de vétéran, les objets qu’il vendait, y compris ses propres médailles – ainsi que des indices sur ses conditions de vie.
Je commence par le fond, parce qu’il s’agit de la partie la plus complexe de la peinture. Créer de larges zones qui sont intéressantes, mais ne détournent pas l’attention du spectateur, est plus complexe que de créer des éléments détaillés au premier plan.
Dans cette oeuvre, J’ai voulu communiquer l’idée, à travers le titre, que ce vétéran s’est battu pour son pays, mais que son pays n’est pas près de se battre pour lui.
J’ai retiré une bonne partie du fond afin de créer sa propre réalité.
J’espère qu’à chaque fois qu’un spectateur regarde le tableau, il y découvre un peu Dave, c’est son nom, ainsi que son histoire.
Une fois le fond créé, je me concentre désormais sur le personnage. J’utilise une grande variété de pinceaux ronds et plats : des brosses de 6 cm de largeur, jusqu’aux minuscules 0 pour les détails les plus fins.
Je continue en ajoutant le personnage et la table. C’est à cet endroit que se trouvent les contrastes de valeurs les plus forts et le plus de détails, car il s’agit du point focal de mon tableau. Ensuite, j’ai complété le reste de l’arrière-plan. À la toute fin, j’ai retiré le drapeau derrière le personnage, car une fois le tableau terminé, j’avais le sentiment qu’il n’ajoutait rien de plus à la composition.
UNE ASTUCE POUR DYNAMISER LES OMBRES
Pour les zones d’ombre de mes portraits, je passe un lavis de bleu outremer ou phtalo et je dépose rapidement quelques gouttes de terre de Sienne, de rose de quinacridone, de rouge de pyrrole ou de jaune gommegutte. Les couleurs se mêlent les unes aux autres, créant des ombres plus intéressantes que si les couleurs étaient mélangées directement sur la palette.
P.Egorushkina
Polina Egorushkina : Un sentiment de liberté

Mon choix s’est porté sur l’aquarelle parce qu’il s’agit de la meilleure technique pour exprimer mes idées. J’aime travailler à l’aquarelle pour le sentiment de liberté qu’elle me procure – quelque chose dont j’ai besoin dans mon travail. Je peins aussi à l’acrylique et avec des encres ; je les mélange souvent ensemble.
Page 38 Polina Egorushkina Polina Egorushkina
je travaille toujours par série. Je ne suis jamais complètement satisfaite du résultat, ce qui me pousse à aller toujours de l’avant.
Avant de commencer, je me concentre sur mon idée et sur le thème central. Au cours du processus créatif, en revanche, mon idée peut prendre une orientation différente. Je ne suis pas mon plan initial de manière stricte.
Commentaire sur Empty: Cette aquarelle fait partie de la série « Moskwarelle », inspirée par la ville de Moscou.
LE SUJET. Le tableau représente une route menant vers des faubourgs de Moscou, en périphérie du centreville. Le jour est tombé et l’obscurité donne un sentiment de détachement du stress de la vie dans la ville.
CE QUE L’ARTISTE A VOULU EXPRIMER. Tout le monde doit trouver son propre espace intérieur. Ce peut être un espace vide de tout bâtiment et personnages, mais qui nous donne l’opportunité de prendre du recul et de réfléchir, et aussi de penser intérieurement à soi-même.
MES TEINTES SOMBRES. Pour mes noirs, je n’utilise pas d’aquarelle noire, je procède plutôt par mélange de brun Van Dyck et d’indigo.
UN GESTE TECHNIQUE. Gratter la feuille me permet de retrouver des blancs – c’est une technique que beaucoup d’artistes utilisent !
D.Boilard
Le sujet émerge en fonction de la couleur qui se déplace sur ma feuille.
Je cherche toujours à m’éloigner de la représentation photographique en allant chercher la profondeur. J’ai besoin d’en dire plus. Le sujet émerge en fonction de la couleur qui se déplace sur ma feuille. S’il y a un équilibre, en revanche, il n’est pas conscient. Je n’effectue pas d’analyse. Un tableaudoit m’étonner, il doit être équilibré, c’est certain et en même temps, je dois sentir une forme de magie ; je veux sortir de la réalité. Mais le plus souvent, on est plus insatisfait que satisfait de sa peinture. C’est ce qui me pousse à continuer, à aller de l’avant. J’aime le défi que m’apporte l’aquarelle.
Je peins depuis une trentaine d’années. Ma découverte de la technique s’est faite lors des cours d’aménagement intérieur, avec des rendus de meubles et de textures, telles que le cuir et la fourrure. Depuis, je n’ai jamais arrêté ! J’ai également testé d’autres techniques au cours de mes études, comme le sumi-e, dessin japonais à l’encre, ou l’huile – que j’ai dû arrêter, parce que je fais de l’asthme. L’aquarelle, une technique qui n’est pas nocive pour la santé, est restée.
Page 78 Diane Boilard
Mes sujets tournent toujours autour du vivant et de la nature : les fleurs, les animaux… Je suis depuis peu très inspirée par les îles de la Madeleine, dans le golfe du Saint-Laurent, à la faune étonnante : hérons, sternes ; on y trouve plus de 500 espèces différentes. Je découvre toujours quelque chose de nouveau. Je n’aurai jamais fini de faire le tour de ce vaste sujet. Il m’arrive aussi de peindre des natures mortes, mais c’est plus rare. En général, mes sujets sont toujours issus d’idées trouvées au bord de l’eau.
Tableau à la loupe : Bernaches
LA COMPOSITION. Ici, comme bien souvent, la composition arrive à la fin. Je cherche au départ à créer une atmosphère, je peins des zones et je pousse mes valeurs.
LES COULEURS. Ce sont celles qui m’inspirent en ce moment, avec une prédominance de bleus. Je choisis d’abord une tendance plutôt froide avec ensuite des contrastes de couleurs chaudes.
L’ÉMERGENCE DU SUJET. Les bernaches sont apparues vers la fin. J’ai décidé de les faire sortir : une en négatif, l’autre en positif. Chercher à traduire un sujet n’est pas toujours aisé. Même si je cherche à sortir de la réalité, je dois respecter les proportions. On doit pouvoir reconnaître l’oiseau.
DIFFICULTÉS ET FACILITÉS. L’aspect le plus difficile pour ce tableau – et de manière générale – est d’arriver à mettre un point final. J’ai envie de ne pas trop en dire. J’essaie de garder une retenue. Le plus simple est la phase initiale : positionner les couleurs est un processus intuitif.
K.Tanabe
Keiko Tanabe La simplicité avant tout

J’ai toujours su que je voulais peindre de manière plus libre, à l’instar des impressionnistes.
Keiko Tanabe est née au Japon. Elle a étudié la communication, avant de travailler dans les relations publiques, d’abord à Tokyo, puis à San Francisco et San Diego. En 2003, elle prend la décision de devenir artiste à plein temps et écrit avec son père un livre intitulé Through the Azure Sea and sky of Provence, un hommage à sa joie de vivre. Elle expose régulièrement depuis 2005. Elle a publié 5 livres et organise régulièrement des ateliers aux États-Unis, en Asie et en Europe.
Quand j’ai décidé d’apprendre à peindre, je ne savais pas quelle technique choisir, j’ai donc expérimenté presque toutes les techniques. Aucune n’était facile, mais il se trouvait que j’ai ressenti une attirance pour la nature imprévisible de l’aquarelle. Sa qualité insaisissable me rendaitperplexe. C’en était même frustrant, mais ça me donnait envie de m’entraîner encore plus. J’ai trouvé des ressemblances entre l’aquarelle et la calligraphie, que j’ai pratiquée avec plaisir pendant mon enfance, ce qui a établi, en quelque sorte, un lien entre la technique et moi.
Aujourd’hui, je me rends compte que dans mes rapports avec cette technique, il y a une parallèle avec la vie elle-même. C’est un fait que j’apprécie et que j’embrasse de tout mon coeur. C’est simple, en aquarelle comme dans la vie : plus on donne et plus on reçoit et si on aime, on sera aimé en retour. Et elle surprend toujours !
Mon rêve d’enfance était de pouvoir créer des ponts entre les différentes cultures. J’ai toujours voyagé, et je suis très reconnaissante à mes parents de m’avoir donné cette opportunité dès mon plus jeune âge. Quelle expérience enrichissante et en même temps quelle leçon d’humilité de voir ces endroits lointains et de faire la connaissance de personnes aux quatre coins du globe !
La connaissance et la perspicacité acquises pendant ces voyages m’ont appris à respecter les différences, à être patiente et plus ouverte.
Plus je vois le monde, plus je ressens au plus profond de moi-même que nous sommes tous pareils. Et que presque partout, l’homme apprécie l’art. Il n’y a de place dans l’art ni pour les préjugés, ni pour les stéréotypes.
Quand je suis devant mon sujet, pinceau à la main, je ne vois pas de frontières, ni de murs qui nous séparent.
Je suis un peintre tonal. Pour moi, être capable de voir correctement les valeurs est fondamental. C’est l’un des éléments clés pour créer la profondeur et la lumière dans une peinture. Je ne m’inquiète pas trop des couleurs.
Page 42 Keiko Tanabe
En fait, je m’en méfie parce ue leur attrait visuel peut distraire l’oeil et dévier des valeurs. Les couleurs sont néanmoins importantes.
Vous devez savoir comment les utiliser et comment les mélanger afin que vous ne perdiez pas de temps devant votre feuille de papier. Pour bien gérer vos valeurs, vous devez être en mesure de comprendre les couleurs et comment elles se comportent sur le papier.
Démo : Day's End Moldova
2016, 45 x 60 cm
Je réalise une ou plusieurs petites études tonales, chacune avec une composition différente, en utilisant un motif tonal simple – lumière, tons moyens et foncés. Je les exécute souvent au graphite, au stylo, aux marqueurs aquarelle, au fusain, aux crayons aquarellables ou tout simplement à l’aquarelle.
Après avoir dessiné la composition sur papier, je commence à peindre en partant du haut. Comme je travaille rapidement et que je souhaite peindre le ciel en une seule fois, je me sers d’un gros pinceau qui retient bien l’eau. Je pose bleu de cobalt et orange Winsor dans le ciel, tout en réservant les blancs pour suggérer la fumée provenant des cheminées.
Je progresse vers le bas en utilisant un ton précis dans chaque plan. Je prête la plus grande attention aux endroits où je veux montrer le blanc du papier, en peignant soigneusement autour d’eux. Les montagnes sont un mélange de bleu de cobalt, orange Winsor et terre de Sienne brûlée. J’utilise l’or de quinacridone, la Sienne brûlée, l’orange Winsor et quelques bleus pour les arbres et le champ, pour figurer les couleurs de l’automne.
J’essaie de peindre autant que je peux dans les zones entourant les bâtiments et les animaux, principalement en utilisant des bords flous. Je définis également mieux les maisons. Au premier plan, mon désir est de donner à voir un champ herbeux sans mettre trop de détails. À ce stade, j’essaie de mettre beaucoup de texture, que je crée par des éclaboussures et des retraits rapides avec une brosse à bonne rétention d’eau.
J’utilise des tons plus sombres pour donner plus de définition aux maisons et aux arbres au plan intermédiaire. Les couleurs des maisons sont principalement le bleu de cobalt, l’alizarine permanente cramoisie, l’ocre jaune et la terre de Sienne brûlée. Dans les arbres, j’utilise l’or de quinacridone, le vert olive, l’ombre brûlée, l’outremer français et l’orange de Winsor.
M.Elsmore

Mark Elsmore, Le quotidien transcendé
Mark Elsmore vite et travaille dans la région du Staffordshire, en Angleterre. Il a été élu membre de la Royal Birmingham Society of Artists en 2007, et de la Wirral Society of Arts en 2004. Il expose dans toute la Grande-Bretagne. Son oeuvre, sélectionné à quinze reprises pour la Sunday Times Watercolour Competition, a gagné le premier prix en 2012.
Je suis mon propre arbitre dans la lutte constante entre la spontanéité de l’idée et l’exécution laborieuse. Au départ, je prends quelques notes. Avoir une raison de peindre est le meilleur point de départ. Avant de commencer, je sais généralement ce vers quoi je vais dans mon oeuvre finale. Les accidents heureux de l’aquarelle liquide ne surviennent pas. Mon travail est opaque et réfléchi. La spontanéité est sacrifiée au profit du message.
Page 54 Mark Elsmore
A propos de Underground Innards
Si les transports en commun insufflent de la vie, alors le métro agit un peu comme les artères ; les tuyaux et les câbles sont un peu les veines et les poumons, tout autour de nous, cachés dans l’ellipse de l’escalier en spirale. Il s’agit de la station de métro Tottenham Court Road, le jour où elle a fermé pour rénovations : ses secrets, ses viscères se déroulant dans l’inconnu.
A propos de Midnight Copenhagen
Mon hôtel donnait sur la gare centrale de Copenhague avec, plus loin, des jardins. J’avais entendu dire qu’un feu d’artifice y serait organisé, aussi je me suis confortablement installé en attendant sa mise à feu. Assis, je pouvais voir la grande horloge sur le toit de la gare. 20 heures, rien. 21 heures, rien. 22 h, 23 h, toujours rien. À minuit, je me suis dit qu’il y avait là matière à faire une peinture. Ce tableau est mystérieux comme un polar. Qui sont ces gens ? Ces voitures ?
Perspectives
Deux visions de la perspective avec J.Villares et M.Reardon

Jacques Villares, ma vie d'artiste
À mon sens, dans les sujets urbains, une mauvaise perspective peut gâcher une peinture. Si vous peignez d’après une photo ou bien en plein air, vous devez traduire votre vision de la perspective. Et la chose la plus importante est de s’en tenir à sa vision jusqu’au bout de la peinture. C’est beaucoup plus important, en fait, que l’exactitude de votre perspective. Je pense que la peinture exprime toujours quelque chose d’intérieur. Elle est un peu comme une fenêtre qui laisse dévoiler notre état d’esprit.
Page 58 Jacques Villares
TABLEAU À LA LOUPE : la vue de mon appartement
LE CHOIX DE LA COMPOSITION : J’ai utilisé une perspective zénithale centrée… C’est quelque chose d’à la fois simple et très efficace. Je ne cherche jamais à respecter mon dessin original, seules coexistent la couleur et le réseau de lignes.
CE QUE J’AI VOULU ATTEINDRE AVEC CETTE PEINTURE :UN SENTIMENT DE VERTIGE: Mon intention était de créer un sentiment de vertige. Plusieurs éléments au premier plan – comme les cordes, par exemple – retardent le saut dans le vide. D’autres éléments en revanche, tels que les vêtements qui sèchent aux fenêtres, nous attirent vers le fond de l’image.
L’EMPLOI DE LA COULEUR : La couleur est aussi importante que le dessin. L’emploi d’une couleur forte – le rouge des toits – nous pousse à rechercher sa complémentaire. Entre les deux se trouvent les murs blancs qui jouent le rôle de tampon. La couleur est quelque chose de très important pour moi – autant que le dessin. C’est du choix de couleurs – et de leur intensité – que dépend l’ambiance que l’on souhaite transmettre. Il est également important de peindre en un jet continu. L’aquarelle est une lutte et votre meilleure lame est votre pinceau traînard.

Michael Reardon
Dessiner un paysage en perspective demande deux éléments : une ligne d’horizon et des points de fuite. Certains dessins ne demandent qu’un seul point de fuite (perspective centrale) tandis que d’autres en demandent deux ou plus.
Page 64 Michael Reardon
La ligne d’horizon est tout simplement une ligne horizontale à hauteur des yeux. Imaginez une vue de l’océan. La ligne horizontale dans le lointain est l’horizon, d’où son nom de ligne d’horizon. La même ligne – invisible – existe dans toutes les peintures qui font appel à la perspective.
Les lignes qui convergent vers le(s) point(s) de fuite créent l’illusion de la perspective. Autrement dit, toutes les lignes d’un côté d’un tableau rayonnent à partir du point de fuite, tandis que les lignes de l’autre côté convergent vers l’autre point de fuite.
Beaucoup de tableaux, tels que des scènes urbaines, possèdent un seul point de fuite. On parle alors de perspective centrale. Le second point de fuite est tellement loin que toutes les lignes sont horizontales.
QU’EST-CE QUE LA PERSPECTIVE ATMOSPHÉRIQUE ? La perspective atmosphérique est l’effet ou l’illusion que la lumière, les ombres et l’atmosphère ont sur le sujet. Les paysages peints avec la perspective atmosphérique ont l’air plus doux, peut-être un peu brumeux, comme dans un rêve. La perspective est le moyen de créer l’illusion de la profondeur dans une image. Selon Léonard de Vinci, il existe des façons de parvenir à rendre la tridimensionnalité dans une image autrement qu’en ayant recours à la perspective linéaire vue précédemment. Léonard de Vinci a abondamment écrit sur la perspective.
Il considérait la perspective atmosphérique comme étant aussi importante que la perspective linéaire. En rendant vos arrière-plans plus flous, vous pouvez – tout comme Léonard – accentuer la profondeur de vos aquarelles. Remarquez comme les arrière-plans de ces aquarelles ne sont pas détaillés. En fait, il y avait bien plus de détails dans la réalité, mais j’ai choisi de simplifier les formes. Cette absence de détails permet de mieux distinguer le premier plan et le plan intermédiaire.
L.Evans
Lyn Evans La couleur à l’état brut
La composition globale est très importante, surtout dans mes natures mortes. Mais dans mes peintures florales, c’est la fleur qui compte et qui doit être reconnue.
Décrivant sa peinture comme "instinctive, impressionniste et sympathique", cette artiste anglaise a à coeur de peindre des fleurs dans un déploiement de couleurs et de formes libres. Si son style n'est pas franchement réaliste, elle applique néanmooins des préceptes qui dictent sa manière de peindre.
Mon style de peinture est issu de mes émotions et de la façon dont je réagis par rapport à ce que j’ai sous les yeux. Je vois en premier des couleurs, des valeurs et de la lumière. Cela induit un style propre, qui peut être abstrait ou au contraire plus réaliste. Je crois que, dans les meilleures conditions, une aquarelle peut se peindre toute seule…
Page 56 Lyn Evans
Cela est particulièrement vrai pour mes peintures florales et mes natures mortes. Mon travail adopte parfois un style impressionniste, même si je serais bien en peine de définir précisément mon style. Mon processus varie d’une peinture à l’autre, car je travaille de manière instinctive. Mais généralement, avec les peintures de fleurs, je suis interpellée par la façon dont elles sont disposées. À l’aide d’un crayon aquarellable, je vais cartographier les formes principales, avant d’appliquer la couleur. Au départ très pâle et libre, elle sera ensuite plus dense lorsque je poserai les détails.
Mes peintures florales et mes natures mortes sont toutes peintes d’après nature – même si la composition est bien souvent une construction. Si je vois une fl eur que j’ai envie de peindre, je vais alors chercher des objets pour l’entourer.
Le travail des valeurs et des couleurs est d’une importance capitale dans ma peinture. Mes natures mortes reposent pour une large part sur le travail des valeurs, parce que les couleurs sont assez proches.
Lorsque je peins n’importe quel sujet – et surtout des fleurs –, je veux que le spectateur sente leur parfum, voie leurs textures ainsi que la courbe d’un pétale ou d’une feuille. Je ne veux surtout pas que ma peinture ressemble à une photographie : elle doit avoir de la vie, du mouvement, de la gaîté et de la beauté.
Mes fonds sont parfois créés en posant les couleurs directement sur la feuille, et en les laissant se fondre… J’ajoute aussi parfois une pincée de sel. Je me sers de la gomme à masquer pour dessiner des lignes droites, en contrepoint des courbes que la peinture a créées.
Je vais regarder les couleurs, la source de lumière et commencer par poser un premier lavis transparent, auquel je peux ajouter quelques pigments purs, en petite quantité, afin de mettre l’accent sur un élément. Lorsque mon support est toujours humide, je peux utiliser le manche de mon pinceau pour ouvrir les blancs et représenter les veines de la feuille.
PEINDRE LES FLEURS EN NÉGATIF :
Peindre des fleurs en négatif est un défi. Une des astuces que j’utilise est d’avoir recours à des crayons aquarellables pour dessiner le contour des pétales, puis d’ajouter dans le fond la couleur sombre qui me permettra de définir la forme.
Je travaille cette couleur sombre, y ajoutant des textures, etc., jusqu’à ce qu’apparaisse le pétale, comme par magie.
Il faut éviter, en revanche, de trop se plonger dans les formes sombres de l’arrière-plan : vous risqueriez alors de perdre la délicatesse du pétale, qui ne doit pas être écrasé par les couleurs et les textures du fond, mais au contraire, sublimé.
Peindre des pétales en gros plan : valeurs & perspectives
LE SUJET. Je dois montrer comment les pétales colorés se recourbent en avant et en arrière à l’aide de tons chauds et froids ; l’utilisation correcte des valeurs me permet de montrer le volume des pétales. Les tons chauds font avancer la couleur. Chaque pétale se situe devant ou derrière sa tige.
Je commence par un dessin simple des formes des feuilles avant de passer des premiers lavis translucides de couleur Undersea Green avec une pointe d’or quinacridone. À l’aide d’un bâton, je dessine dans le frais les veines de la feuille. Une fois ces lignes sèches, j’ai ajouté de l’orange de quinacridone mêlé à quelques pigments sombres de chez Derwent, et j’ai laissé le tout sécher.
Je peux maintenant peindre la feuille de gauche. J’ajoute quelques lavis translucides, tout en incorporant quelques points de couleur plus forte ; je garde la veine centrale et gratte la feuille pour représenter les autres. Afin d’équilibrer la composition, j’ajoute la queue à droite.
Je me concentre sur la feuille de gauche, afin de la faire avancer : je pose ainsi des glacis plus chauds. Je laisse ma feuille sécher entièrement.
L.Wolford

Lois Wolford, Formes, valeurs et contours
Lois Wolford est membre signataire de la National Watercolor Society. Elle est également membre à vie et siège au comité de la Baltimore Watercolor Society. Ses peintures ont été récompensées par plusieurs prix et ont été exposées dans les manifestations de nombreuses sociétés des États-Unis.
Son aquarelle Green Chairs est présentée lors de l’exposition internationale de la NWS jusqu’au 14 décembre. Lois Wolford fera l’objet d’une exposition en mars 2017, à la Hofberger Art Gallery en compagnie des autres membres du groupe Complimentary
La couleur et les valeurs sont pour moi des éléments importants qui contribuent à l’ambiance de la peinture. Je me demande ainsi quelles seront les couleurs les plus aptes à retranscrire mon état d’esprit.
J’aime utiliser une palette restreinte, et je me sers des variations basées sur quelques couleurs afi n d’atteindre l’harmonie.
Le cercle chromatique dans mon atelier est une bonne source d’inspiration. La gamme de valeurs doit également venir en soutien de cette ambiance.
Je simplifie ma structure de valeurs en valeurs claires, moyennes et foncées. Parfois, une peinture avec uniquement des valeurs sombres et moyennes s’impose. Ce sont des considérations que je me pose avant de commencer à peindre.p>
J’aime que mes formes aient des contours intéressants. Je cherche aussi à installer une forme dominante et d’autres moins importantes.
Page 68 Lois Wolford
J’essaie ensuite de relier les formes et les valeurs entre elles. Mes formes négatives doivent être aussi intéressantes que mes formes positives. Chaque forme compte. Je vais simplifier les formes, en changer quelques-unes, les déplacer, voire même en ajouter pour améliorer la composition. Tout ce qui n’est pas au service de la composition est éliminé.
C’est pour cela que j’ai toujours sous mes yeux, dans mon atelier, une reproduction de la Bohémienne endormie du Douanier Rousseau. Il y a dans ce tableau une vraie simplifi cation des formes au service d’un équilibre parfait.
Les 5 préceptes de Lois Wolford
- LES RÈGLES DE COMPOSITION Je me sers souvent de la règle des trois tiers pour établir mon point focal. Pour d’autres peintures, je détourne cette règle et je place mon point focal un peu plus près du bord de mon tableau. J’ai aussi tendance à peindre toutes les zones dès le départ afin d’obtenir au final un tableau unifié.
- LES TEINTES SOMBRE AU DÉPART J’ai tendance à poser mes teintes sombres dès le départ. Cela me permet de voir très rapidement quelles sont les relations entre mes différentes valeurs.
- LES CONTOURS Lorsque j’ai commencé à peindre mouillé sur mouillé, j’ai appris à mieux gérer mes contours. Je peux ainsi, en fonction de ce que je souhaite, obtenir des contours nets ou fondus. La feuille humide me donne des contours humides.
- MOINS D’EAU ET PLUS DE PIGMENTS Tandis que j’avance dans ma peinture, j’utilise moins d’eau et plus de pigments, afin de garder le contrôle de mes contours. Cela me permet de vraiment donner le ton que je veux à mes peintures.
- NE PEINDRE QU’AVEC DES COULEURS TRANSPARENTES J’ai également appris au fi l du temps à ne peindre qu’avec des peintures transparentes. Idéal pour garder ses couleurs propres. Aujourd’hui encore, je n’utilise que parcimonieusement des couleurs opaques et teintantes.
M.Linares
Miguel Linares Ríos : "Chaque tableau est un défi"

Il peint la ville avec franchise et chaleur. Sans doute est-ce le reflet de son témpérament?
En mai 2017, Miguel Linares Rios aura une exposition personnelle à la galerie d’art Benedito, à Malaga, en Espagne : « Cette exposition comportera des paysages et des travaux réalisés lors de mes voyages, dont principalement des vues urbaines. » Il sera également présent dans certains Salons d’aquarelle en France.
J’ai beaucoup peint en extérieur, car c’est de cette façon que l’on peut bien comprendre la lumière. Je cherche toujours à utiliser le même système et les mêmes outils, aussi bien dans mon atelier que quand je peins en plein air.
Mon style ? On pourrait parler de style narratif et émotionnel… mais la vérité est que je ne vois pas les choses comme ça et ce serait une erreur d’essayer de chercher à tout prix un style. Le style est le résultat d’un travail sincère. Je préfère être libre à cet égard. Je cherche avant tout à « obtenir » quelque chose avec mes peintures.
Avant de commencer, je fais toujours des croquis préliminaires pour organiser la composition, le rythme, les tons, etc. Mais au cours du processus de peinture, je laisse assez d’importance au langage intrinsèque de l’aquarelle, c’est un peu un dialogue qui s’instaure entre la peinture et moi-même.J’ai inventé un outil pour ouvrir les blancs et ainsi retrouver les lumières. Mais je peux aussi me servir de ce que j’ai sous la main : mes ongles, des brindilles, des cartes, etc.
Page 80 Miguel Linares Ríos
Ma palette se compose de blanc de Chine, de jaune de cadmium de jaune de Naples, d’ocre, de carmin, de bleu de cobalt, de bleu de Prusse, de sépia et de noir d’ivoire. Il m’arrive aussi d’avoir recours à d’autres couleurs, mais celles-ci sont suffisantes pour effectuer tous mes mélanges colorés. J’utilise des aquarelles des marques Rembrandt et Talens.
Démonstration : Scène de rue
Une peinture réussie, c’est pour moi une fusion de la connaissance, de la technique et de l’émotion.
Il y a plusieurs façons de débuter une peinture. Généralement, je commence par une partie du tableau – à ce stade, ce ne sont que des formes abstraites –, puis je me concentre sur les différents éléments de la composition.
Je commence par un dessin simple. Il s’agit juste de quelques lignes pour placer les différents éléments de ma composition.
Le bâtiment de droite reçoit plus de lumière. Cette façade contraste avec les autres, plus sombres, créant ainsi de la profondeur.
Je pose les valeurs sombres marquant la façade de droite, dans l’ombre. J’obtiens ainsi plus de profondeur dans ma composition.
J’assombris un peu plus les ombres sur le sol. L’arbre est là pour équilibrer la composition ainsi que la partie sombre à droite de la composition. J’ajoute également les personnages et la terrasse de café.
J.Ledbetter

NOURRIE DE SES MULTIPLES VOYAGES EN AMÉRIQUE DU SUD, NOTAMMENT AU GUATEMALA, JAN LEDBETTER A DÉVELOPPÉ UNE PEINTURE PERSONNELLE BASÉE SUR LES RYTHMES DE COULEURS ET DE FORMES. ELLE NOUS DÉVOILE ICI LES RECETTES DE SON TRAVAIL : UTILISATION DU GESSO EN GUISE DE FOND POUR SES OEUVRES, ET DU COLLAGE POUR CRÉER MOTIFS ET TEXTURES.
INSPIRATION MAYA,
AVEC JAN LEDBETTER
Ce n’est qu’avec l’aquarelle transparente, passée sur du gesso, que je peux enlever et sculpter les formes de lumière me permettant de créer les motifs si caractéristiques de ma peinture.
Mon inspiration pour les vêtements colorés dans mes peintures provient de mes visites des petits villages qui bordent le lac Atitlan, où les femmes tissent des tissus magnifiques…
Page 80 Jan Ledbetter
Quand on se promène à travers les places de marché et les parcs, l’on voit des fleurs partout et les Mayas revêtent leurs costumes traditionnels faits à la main. Je suis aussi inspirée par le musée des Textiles de Ixchel, à Guatemala City.
Il y a quelque chose de saisissant dans le contraste entre ces femmes qui travaillent dur et les motifs de couleur complexes qui les entourent. Leur fi erté culturelle est évidente dans chacun de leurs gestes.
Mon processus créatif repose à 100 % sur l’intuition. Je n’ai absolument aucune idée préconçue sur la direction que peut prendre ma peinture ou ce à quoi elle ressemblera une fois terminée…
Démonstration en 4 étapes
1
DES PREMIERS LAVIS ALTERNANT ENTRE CHAUD ET FROID
Je commence par des lavis chauds, bleus et froids, sur une couche préparatoire de gesso. Une fois secs, ces lavis sont suivis d’un dessin au trait représentant les femmes mayas, le sujet principal de cette peinture.
2
SE CONCENTRER SUR LES FORMES ET LES VALEURS
À l’aide d’un gros pinceau, j’ajoute de la matière à mes personnages. Une fois les formes et les valeurs établies, la peinture commence à trouver son rythme. À ce stade, les lumières s’installent, dans des contrastes de valeurs.
3
MOTIFS ET FORMES
Mes peintures sont basées aussi bien sur mon sens de l’observation que mon imagination. Les motifs des huilpiles (les chemisiers) et des cortes (les jupes) commencent à apparaître alors que je retire la peinture par endroits, sur ma couche préparatoire de gesso. Enlever la peinture à l’aide d’une brosse me permet de créer des formes expressives, de motifs et de lignes, mis en valeur grâce à ce travail en négatif.
4
LE FINAL
Les Mayas de Chichicastenango.
2016. Aquarelle, 76,2 x 56 cm.
OEuvre présentée à l’exposition internationale de la San Diego Watercolor Society