Le n° 30 de l’Art de l’aquarelle fait sa rentrée internationale sous le signe de l’eau. L'espagnole Nuria Meseguer déploie depuis son atelier des îles canaries de vastes fresques aquatiques. Aux antipodes, l'Américaine Rose Nygaard développe une abstraction gestuelle, et l'Uruguayen Alvaro Castagnet parcourt le monde.
Le portfolio est celui du Russe Kiril Bozhkov. Après ces portraits, nous rencontrons les britanniques Stephen Berry et David Poxon.
Nous visitons l’atelier de l’Iranien Kourosh Aslani. Après un focus sur l’aquarelliste chinois Zhou Tianya, tout un dossier sur les aquarellistes en voyage.
Sans oublier les rubriques habituelles (actualité, révélations et concours des lecteurs).
L'actualité
La Biennale de Sainte-Féréole
Proche de Brive-la-Gaillarde, Sainte-Féréole accueille bour cette biennale 2016 le couple Viktoria et Slawa Prischedko comme invités d’honneur.
Nombreuses démonstrations de Gilles Brunerie, Fernand Thienpondt, Thierry de Marichalar ainsi que Paty Becker pour ne citer qu’eux.
Autre temps fort de la Biennale, le concours : peindre la commune. Ce ne sont ainsi pas moins de vingt-huit artistes qui ont sillonné les rues du bourg.
La remise des prix vint récompenser Anne Huet-Baron.
La biennale internationale d’aquarelle de Thessalonique
La seule organisation dédiée à l’aquarelle en Grèce est « Watercolor International », que Georges Politis a fondée. Son but est de promouvoir l’aquarelle et les techniques à l’eau en général, aussi bien en Grèce qu’à l’étranger.
Nous avons vraiment de très bons artistes qui exposent cette fois-ci. Nous avons essayé de mettre la barre encore plus haut en invitant certains des meilleurs artistes du monde entier. Des trois expositions, celle-ci sera je pense la meilleure.
Page 14 George Politis
Dès lors que l’on ne parle pas d’aquarelle « pure », toutes les techniques à l’eau peuvent être acceptées comme de l’aquarelle, y compris la gouache, les encres acryliques, etc… Si ces techniques permettent aux artistes de créer des peintures magnifiques, c’est alors parfaitement acceptable.
Je pense que ce qui compte, c’est le résultat, pas la pureté de la technique nécessaire pour y arriver.
Stanislasw Zoladz, Springtime.
Révélations
La Française Isabelle Seruch-Capouillez
Entre une mère Française d’origine italienne et un père belge, les jalons étaient posés pour me sentir imprégnée de toutes ces influences. C’est en Belgique, dans la région de Mons, dans une famille ouverte à la culture, que dès mon plus jeune âge j’ai éprouvé le besoin de m’exprimer, entre autres, par le dessin. L’empreinte des peintres fl amants ou surréalistes m’a suivie durant mes études artistiques où j’ai acquis les bases validées par des diplômes d’arts plastiques et graduat d’arts graphiques.
Page 16 Isabelle Seruch-Capouillez
À cette époque, j’étais attirée par les aquarelles de Folon mais c’est plus tard, après mon arrivée en France, au début des années 1980, que j’ai réellement découvert ma passion pour l’aquarelle, que j’ai essentiellement travaillée seule.
Je travaille l’aquarelle dans toutes ses possibilités, mouillé, sec, peu importe le moyen qui me permettra de traduire ce que je ressens. Habituellement, je ne recherche pas un sujet, c’est lui qui s’impose à moi et pas toujours de façon consciente.
Le thème « Ancrage » est né à la suite d’une invitation en Inde ; après mon retour, j’ai réalisé ces aquarelles qui expriment ma vision personnelle de ce voyage où l’humain est bien présent. J’aime peindre en extérieur sur le motif mais sans cette possibilité, je m’inspire de croquis et prises de vues pour recomposer ce que j’ai en tête. Parfois ce sont les couleurs qui me guident mais je ne suis pas véritablement coloriste, je travaille plutôt les valeurs et j’essaie d’être moins illustrative, toujours en recherche…
L'Indienne Megha Kapoor
Inspiré par l’impressionnisme, je vois les choses comme une impression de couleurs. J’aime être expressive avec mes coups de brosse audacieux et ma palette colorée. J’aime l’aquarelle maintenant que j’ai moins de temps pour peindre, et sa spontanéité m’a donné la liberté de le faire tous les jours. Mon art est aussi le témoin de ma profonde connexion avec la nature, avec la lumière, avec Dieu. J’étudie la nature dans mon atelier et fais aussi des études de plein air. J’aime peindre des fleurs car elles me poussent à être heureuse en toutes circonstances, et elles sourient à jamais à travers mes oeuvres.
Page 17 Megha Kapoor
Peindre ne veut pas dire que vous remplissez le dessin avec des couleurs. Être artiste, c’est laisser faire les choses. Vous avez juste à planifier dans votre tête et en même temps votre pinceau doit aller avec le courant : cela vient avec une pratique constante.
J’éprouve une immense béatitude pendant que je m’adonne à l’acte de peindre, qui est pour moi comme une méditation. Je crois vraiment dans le dicton qui dit que « la pratique de l’art ne sert pas à gagner sa vie, mais à faire grandir votre âme ».
Le Colombien Carlos Ortega Delgado
C’est à l’âge de 8 ans qu’il se rendit compte de sa capacité à copier tout ce qu’il voyait en détail, notamment au moyen de la sculpture. Reproduire des cartes géographiques lui était aussi très facile. Puis il fit le portrait de ses professeurs et camarades de classe.
À 18 ans, durant son service militaire, il entretint sa relation à l’art en dessinant des figures humaines dans son carnet, thème qui lui est toujours cher aujourd’hui.
Dégagé des obligations militaires, quatre ans plus tard, il se mit à voyager en Équateur, pays limitrophe. Pour gagner sa vie, il se fit dessinateur de rue, notamment le long du Malecon de Guayaquil. La nature devint sa source d’inspiration principale.
Il travailla aussi avec un modèle qui lui permit d’approfondir sa connaissance du corps humain… et de commencer à vendre des toiles. Développant son instinct de peintre et perfectionnant son art, Carlos se mit à fréquenter assidûment les galeries d’art et y rencontra l’artiste renommé Oswaldo Guayasamin, qui fut son professeur à l’académie des arts de Guayaquil. C’est là qu’il étudia les peintres Luis Caballero, Joaquin Soroya, Steve Hanks, Diego Velázquez, Albrecht Dürer, entre autres.
Il découvrit l’aquarelle, qu’il se mit à étudier consciencieusement. Au bout de quelques années, il fut capable de donner des cours de portraits, de fresque, etc. Il est aujourd’hui graphiste.
Page 18 Carlos Ortega Delgado
Le Serbe Endre Penovac
Ma manière de peindre à l’aquarelle s’apparente à ce qu’est notre monde. Le prévisible et l’imprévisible, ce qui est planifi able et ce qui ne l’est pas en sont partie intégrante. Ce que nous avons préparé de longue haleine ne nous satisfait jamais autant que les miracles, l’imprévu. C’est pourquoi je me sers de l’aquarelle d’une manière qui permette à la couleur et à l’eau de «faire des miracles» sur le papier. L’être humain est aussi comme cela, un mélange de sensibilité et de raison. À parts inégales, certes, mais qui font partie d’un tout chez tout le monde.
Page 16 Endre Penovac
À la lumière de cela, le sujet d’une peinture est secondaire pour moi. Cependant, en art, trouver quelque chose à dire de nouveau et de magique n’est possible que si on connaît bien son sujet. Ainsi, c’est naturel ; pour ma part, je trouve l’inspiration dans mon environnement.
À titre d’exemple, un de mes personnages principaux est notre chat noir, Boszi (qui veut dire « sorcière » en français). Cela fait des décennies que je peins à l’aquarelle. J’ai été captivé par son dynamisme, et le défi qu’elle représente pour le peintre. À certains égards, il y a confl it entre le peintre, l’eau, le papier et les pigments. S’ils s’harmonisent, s’ils se comprennent les uns les autres, alors cela peut donner naissance à une grande peinture : le peintre est capable d’exprimer ses pensées, les pigments submergent l’eau et ensemble ils adoptent le papier bienveillant.
La peinture préférée d'Angus McEwan
Tea Break est un moment préservé pour l’éternité, un instant figé où une personne pose sa tasse et son journal sur son bureau et quitte la pièce pour ne plus jamais revenir. Pourquoi n’est-elle pas revenue ? Pourquoi n’a-t-elle pas récupéré son manteau, nettoyé sa tasse ou jeté le journal dans la corbeille ?
Page 92 Angus McEwan
On a le sentiment que le propriétaire du manteau va revenir bientôt, jusqu’à ce que l’on comprenne qu’il y a des toiles d’araignée dessus. Je suis tombé sur cette scène par hasard, dans un vieux moulin à bois en Écosse ; les outils et les objets semblaient tout droits sortis des années 40. Il s’agit de quelque chose d’un peu différent de mes sujets habituels, mais c’était une idée qui me trottait dans la tête depuis un moment.
Il y a une atmosphère calme et magnifi que dans cette scierie ; je voulais saisir la légèreté de la lumière tandis qu’elle fi ltrait à travers les vieilles fenêtres. Le défi pour moi était de rendre non pas les textures mais les contours, doux et fondus.
J’ai ainsi peint et repeint un grand nombre d’endroits jusqu’à ce que je sois satisfait du résultat. La partie en bas à gauche en particulier m’a donné du fil à retordre : elle devait être suffisamment sombre tout en recelant assez d’indices visuels pour que l’on puisse discerner les différents éléments.
Difficulté supplémentaire, j’ai utilisé du miel comme liant, ce qui a rendu brillantes certaines parties de la toile – ce que je ne souhaitais pas. J’ai ainsi dû repeindre complètement les pieds de la chaise avec une autre peinture, beaucoup plus mate.
Ma dernière peinture
Ces artistes ont déjà été publiés dans l'Art de l'Aquarelle, nous retrouvons leur dernière peinture.
Midnight blues
Ona Kingdon
43 X 69 cm
Cette peinture a une palette très limitée, mais utilise une grande gamme de valeurs afi n d’augmenter le contraste entre la lumière et l’ombre.
L'usine à tanins 1,
Théo Sauer
52 X 76 cm
Les feuilles qui miroitent dans la lumière donnent à cette oeuvre une impression de 3D.
At the End of the Day,
Atanas Matsoureff
76 X 56 cm
La veste représente la mémoire de la vie d’une personne tout en étant le symbole de notre quotidien
Traces,
George Politis
38 X 56 cm.
L’accent est mis ici sur les diagonales fortes et les contrastes intriguants. »
Roma,
Patricia Castelao
56 X 76 cm
Respecter les gestes du modèle ainsi que les autres détails sans perdre la fluidité de l’aquarelle
Street to Dubar Square
Ong Kim Seng
53x73 cm
Très rapidement, la foule a commencé à s’amasser autour de moi : je ne pouvais même plus voir mon sujet !
Anvers, villa à la mode,
Xavier Swolfs
76x56 cm cm
Je m’émerveille du blanc de l’eau et des couleurs comme tous les enfants d’un couple de bonheur.
Torg,
Lars Lerin
Lumière dans l'Est
J’accorde beaucoup d’importance à la représentation des sources lumineuses, lampadaires ou fenêtres éclairées.
N.Meseguer

Nuria Meseguer, Un monde de rêves où tout est possible
Cette artiste Espagnole originaire des Canaries s'est fait une spécialité de représenter des corps se mouvant dans les profondeurs sous-marines. Sa technique, qui mêle aquarelle et huile, explore le mystère infini de l'océan.
C’est dans le silence du grand bleu que je retrouve une sensation de paix. J’ai l’impression de voler à travers un monde mystérieux. Pendant mon enfance, j’ai passé énormément de temps dans le bureau de mon père. Il étudiait alors les beaux-arts. Quand j’essayais de peindre la mer, je n’arrivais pas à capter cette sensation d’apesanteur infinie que l’on y ressent. Les résultats de mes tentatives me frustraient au point où c’en est devenu un défi personnel.
Le sujet principal est l’Homme : son rapport avec lui-même, les autres et son environnement. La mer me fournit le fond idéal car elle est onirique. C’est un monde de rêves où tout est possible. Je pense aussi qu’il est important de relativiser la place de l’homme par rapport à la nature. Nous nous voyons toujours comme le nombril de la galaxie. Rien n’a changé depuis l’époque de la théorie géocentrique – rien d’un point de vue émotionnel du moins ; la science, c’est autre chose. Tout tourne autour de nos intérêts et nous essayons de subjuguer Mère Nature. C’est une grosse erreur. Ce travail « sous-marin » est un aspect de mon travail que je développe en parallèle aux commandes qui me permettent de vivre. C’est une façon pour moi de rester sereine, une forme de méditation en mouvement. Nous avons tous besoin, d’une façon ou d’une autre, de retrouver des moments de tranquillité. Cependant, mes recherches m’ont confirmé que le vrai sujet n’est pas l’eau, mais la nature humaine, qui reste un mystère pour moi.
Page 28 Nuria Meseguer
« Essayer d’associer de l’aquarelle (pour la mer) avec des couleurs à l’huile pour la peau. » C’est ainsi qu’est né When the Sea is Watching You et je n’ai rien changé depuis. Ces deux techniques, que tout oppose, me permettent d’un côté de représenter la notion d’apesanteur et de préserver le mystère infi ni de l’océan, et de l’autre d’évoquer de manière précise mon modèle, ses lumières et ses ombres. J’associe ainsi deux mondes – un connu et l’autre inconnu. J’ai une approche assez libre de la partie aquarelle. Je n’essaie pas de guider les couleurs outre mesure, parce que de toute façon elles ne font toujours que ce qu’elles veulent. Le lendemain, quand les couleurs sont sèches, je suis toujours surprise par le résultat, mais de toute façon, je m’y adapte.
Mes couleurs
J’ai toujours de vieilles couleurs à l’huile qui n’existent plus comme celles des marques Pescador et Amsterdam, mais en général j’utilise des couleurs Rembrandt ou Talens ; et, pour l’aquarelle, des pigments que je mélange avec du latex. Celui-ci me permet d’obtenir de petits points, pour un effet « grain de sable ».
Ma palette
Blanc de titane, Jaune de cadmium moyen, Ocre, Orange de cadmium, Rouge de cadmium, Alizarine cramoisie, Terre de Sienne brûlée, Verre de cobalt, Bleu de cobalt, Bleu outremer. Pour les peintures sous-marines, je multiplie les couches de bleu et de vert.
Mon papier
Papier japon, papier aquarelle Guarro et, pour les peintures, du lin de la marque Talens.
A.Castagnet
Alvaro Castagnet : Les voyages ont apporté de la profondeur à mon travail

Je pense que mon travail a évolué d’un point de vue technique et spirituel. C’est la conséquence naturelle quand on fait quelque chose qu’on aime. Je suis toujours à la recherche de nouveauté et de moyens de progresser. J’aime repousser les limites de l’aquarelle et me retrouver dans des situations qui me posent un défi. Côté technique, je pense avoir consolidé les principaux éléments, à savoir les fondations d’une peinture : l’échelle des valeurs, le choix des couleurs, les contours durs et flous. C’est le résultat de mon propre développement et de toutes ces années passées à peindre à plein temps. Dans ce genre artistique, je veux dire la peinture traditionnelle et figurative, il est indispensable de vous fixer un objectif quant au message que vous souhaitez transmettre. Il doit véhiculer une ambiance, une humeur et traduire toute la « magie » de votre sujet.
Page 33 Alvaro Castagnet
Commentaire sur Everyday Paris: « L’auvent rouge attire l’oeil et le dirige vers le centre de l’action, symbolisé par le serveur et les clients. Les motos au premier plan reçoivent des valeurs très sombres, que l’on ne pose normalement pas si loin du point focal, mais dans ce cas particulier leur positionnement guide justement l’oeil vers celui-ci. Une oeuvre presque monotone, si ce n’est le rouge qui accentue le centre d’intérêt.
R.Nygaard
Adepte des techniques mixtes, l'artiste américaine fait confiance à son intuition pour composer des tableaux qui déploient couleurs et formes abstraites. Elle nousd étaille ici son processus, qui fait la part belle à l'écoute de son instinct.
UNE TECHNIQUE ADAPTÉE À L’EXPRESSION : J’ai peint à l’huile au cours de mes études ; ce n’est qu’après avoir passé ma maîtrise que je suis passée à l’aquarelle et l’acrylique. J’ai trouvé que l’acrylique se prêtait le mieux à mon style : j’aime superposer de nombreuses couleurs, et à l’aquarelle, je perdrais rapidement mes blancs. Aussi ai-je adopté l’acrylique. Je ne peins pas à l’aquarelle, mais si c’était le cas, je pense que j’apprécierais le fait que l’on peut peindre sans avoir peur d’en mettre partout, ainsi que la possibilité de peindre assis.
Certaines de mes peintures se sont littéralement peintes toutes seules. Les autres posent toujours des défis – ce qui est quelque chose que j’apprécie. Un défi qui revient souvent : lorsqu’un spectateur voit quelque chose dans ma peinture, que je ne souhaite pas voir y figurer. Je vais alors retravailler ma peinture. La réalisation d’une de mes peintures, Eagles Flight, née lors d’une démo, s’est déroulée de manière très fl uide. Durant deux semaines, mon mari et moi avons observé des petits aiglons qui s’essayaient à voler. Cela a duré plusieurs jours. Plus tard, alors que je donnais une démonstration à un groupe d’artistes, je me suis mise à effectuer les mêmes gestes que j’avais vu les oiseaux faire. La peinture a été réalisée avec une palette restreinte et donne une impression de stabilité, et pourtant il y a du mouvement. Ce tableau a reçu le prix d’excellence de la Virginia Water Color Society.
Page 40 Rose Nygaard
K.Bozhkov
Kiril Bozhkov, Complicité du portrait
Peintre Bulgare, Kiril Bozhkov n'aime rien mieux que peindre l'âme de ses modèles. Sa technique ? Une maîtrise absolue de l'aquarelle à laquelle s'ajoute un petit grain de folie.
Je cherche avant tout la beauté et la force intérieure de mes modèles. La posture doit être intéressante, de même que la lumière sur le modèle. Il y a, je crois, quelque chose d’unique dans mon choix de sujets – tous doivent en tout cas interpeller.
L'improvisation me permet de donner une touche artistique et d’apporter de la vie. Mais pour pouvoir me permettre d’improviser, comme je le fais, il faut d’abord maîtriser les bases – du dessin et de la couleur. En un mot, je dirais qu’il faut réfl échir, travailler et avoir foi en sa peinture…
J’ai plusieurs approches. Très souvent, ce que je vois donne lieu à des idées. Puis vient la réflexion. Je trie alors mentalement les différentes options. Je ne mets pas de limites ; je cherche l’excitation, la passion et l’énergie de la vie dans tout. Tout le reste n’est que formalités si vous êtes un bon professionnel et que vous travaillez dur. Si vous aimez la peinture, elle vous aimera aussi et vous donnera beaucoup en retour.Je commence par un dessin précis, très précis. Et c’est à partir de cette trame classique que je m’autorise à bâtir et à me lâcher, car une image trop « sèche » peut devenir pédante. Je prends des bonnes feuilles – j’utilise du papier français ; Canson est pour moi le meilleur, ainsi que des feuilles Arches de temps en temps – et autant de pinceaux différents que possible. Je peins toujours dans la solitude de mon atelier. Puis je mets l’image sur Facebook et j’attends les commentaires ; comme le veut l’adage, « les virtuoses s’attendent à être applaudis ! ». La reconnaissance est une récompense et fait partie, je pense, du processus artistique.
Page 50 Kiril Bozhkov
S.Berry
Stephen Berry Explorer est une source de plaisir

S’il a beaucoup peint et dessiné étant enfant, ce qui lui a donné de bonnes bases en dessin, ce n’est qu’à la trentaine que Stephen Berry s’est replongé dans l’art. Vierge de toute formation académique, il a beaucoup appris lors de cours du soir et d’ateliers avec Joseph Zbukvic, Alvaro Castagnet, Chien Chung Wei et Bjorn Bernstrom, sans compter les nombreuses heures de pratique à l’atelier.
L’avantage principal de travailler avec l’eau est la vitesse d’exécution. Cela me permet de rester spontané, de simplifier les choses et de garder l’essence de ce que je souhaite exprimer. Mais le fait est que les traces posées sur la feuille sont difficiles à enlever. Il est très facile de gâcher une peinture en la travaillant trop. Vous devez à la place accepter les erreurs et les intégrer à votre peinture finale.
D’un point de vue physique, j’aime le processus de l’eau, de la gravité et des pigments. Travailler avec l’eau, c’est comme danser. Nous sommes deux partenaires, j’ajoute des pigments et ils réagissent de différentes façons, s’agglutinant ou s’écoulant en fonction de la façon dont je penche ma planche et de l’humidité de la feuille. Il y a un élément de surprise qui est très excitant et qui demande de la concentration.
Une fois sèche, la feuille retient la trace de tous les gestes, comme des vestiges : les coulures, les traces du pinceau et les granulations. L’eau est très volatile, donc la peinture se fait rapidement, mais cela fait partie de son intérêt. Les meilleures peintures ne sont pas laborieuses, ce sont celles qui restent fraîches et sont effectuées avec des gestes sûrs. La nature transitoire de l’eau permet de renforcer cette approche.Les erreurs les plus courantes : Il y a des erreurs techniques importantes, comme le fait de ne pas avoir de teintes sombres suffisamment foncées ou de ne pas savoir dessiner, mais le problème principal est de ne pas peindre assez pour s’améliorer.
Page 52 Stephen Berry
Bien sûr, peindre davantage permet de développer ses compétences, mais la façon dont vous acceptez les échecs est à mon sens plus important. Les échecs génèrent des émotions fortes, aussi beaucoup de débutants ne prennent-ils pas de risques à l’aquarelle. Ils n’essaient pas de dépasser leurs limites, ce qui leur permettrait d’apprendre en échouant ou au contraire de produire de belles oeuvres. Mais plus vous peignez, plus vous faites d’erreurs, et moins elles importent.
Vous savez que vous allez échouer un certain nombre de fois, aussi vous ne vous refrénez pas dans vos expérimentations. Au lieu de ça, vous prenez le problème de face et vous vous lancez. Malheureusement, lorsqu’ils échouent, un grand nombre de débutants ne regardent pas leur travail d’un oeil critique, afin d’identifier ce qu’il faut changer.
Il est essentiel, pour progresser, d’apprendre davantage de ses erreurs. C’est mon second point. Bien sûr, cela aide si vous avez des personnes autour de vous qui peuvent vous apporter leurs critiques…
Ce qui m’amène au troisième point. Ne peignez pas dans votre coin. Beaucoup de débutants peignent seuls, et il est très difficile d’apprendre sans professeur ou collègues pour vous guider tout au long du parcours.
Pas à pas : Kalihiwai Sunrise
J’humidifie la moitié inférieure du ciel, là où je veux des contours flous, correspondant aux nuages les plus lointains. Je commence en haut par un lavis pâle d’orange de cadmium. Je peins ensuite les nuages orange sur la ligne d’horizon en prenant soin de laisser les zones bleues du ciel bien propres.
Les rochers : une fois l’eau sèche, je me lance dans les formes sombres des rochers dans la baie. Je veux que celles-ci soient incorporées dans la mer, aussi je mouille une bande de dix centimètres sous les rochers. Ainsi, les tonalités sombres se diffusent dans l’eau, ce qui me donne des reflets subtils.
La plage : je fais un mélange à base de terre de Sienne brûlée et de bleu outremer. Travaillant mouillé sur mouillé, je fonce progressivement mes valeurs, tout en prenant soin de préserver la ligne de l’horizon. Une fois ce lavis sec, j’ajoute des taches de bleu phtalo afin de représenter les vagues.
D.Poxon
David Poxon, ma vie d'artiste

On ne présente plus David Poxon et ses aquarelles reconnaissables entre toutes.
Fort de son expérience en tant qu'artiste international, il nous a paru être l'interlocuteur privilégié pour nous faire partager sa connaissance du monde de l'aquarelle, et sur la façon d'y tracer son chemin.
David Poxon est né dans le coeur industriel de l’Angleterre, mais habite aujourd’hui dans la campagne du Shropshire. Il est membre élu du Royal Institute of Painters in Water Colours, et fait également partie du comité. Il est membre signataire de la National Watercolour Society of America, et a fait partie de leur jury en 2015. Il est également l’auteur de deux livres sur la technique du dessin et ses aquarelles ont été publiées dans de nombreux livres et revues à travers le monde.
Écueils à éviter & autres déconvenues
Même si vous avez bien fait votre travail et que vos tableaux sont bien arrivés sur le lieu d’exposition, les choses peuvent encore mal se passer ! La première fois que vous entrez dans votre lieu d’exposition, vous voulez que votre travail soit bien présenté, dans un bel espace, et exposé au mur sous son meilleur jour. Ce que vous ne voulez pas, en revanche, c’est voir vos tableaux accrochés à l’envers, ou dans le mauvais sens, ou placés à hauteur de genoux. Après tout, si vous avez mis une étiquette au verso, posé le bon système de fixation, envoyé les images à l’organisateur afin qu’il sache dans quel sens les accrocher, et que le sujet soit assez simple à comprendre, visuellement parlant, vous pouvez vous attendre à ce que la personne qui va les installer sache comment s’y prendre pour les mettre dans le bon sens ! En outre, si vous dispensez des stages, il est bien d’être payé à la fin et de ne pas avoir à courir pendant des semaines derrière les organisateurs… Pour une raison étrange, ce genre de personnages peu scrupuleux semblent ignorer que les artistes communiquent entre eux et partagent leurs expériences ! Page 58 David Poxon
Les raisons de son succès
Les réseaux sont la clé. Être visible permet de recevoir des invitations et, tout aussi important, de rendre la pareille aux amis artistes. Il est bien sûr très plaisant de recevoir des invitations du monde entier ; malheureusement, il est tout simplement impossible de donner une réponse positive à toutes, ou même de toutes les visiter. Cela fait de nombreuses années que je me suis dédié à la peinture à l’aquarelle ; après avoir fait mon apprentissage et connu des hauts et des bas, je suis désormais dans la position enviable d’être relativement connu. L’aquarelle est vraiment une obsession et je n’ai toujours pas perdu mon excitation pour la technique.
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Je pense que mon enthousiasme est un peu contagieux et l’art pour moi ne connaît pas de frontières. Ma philosophie est la suivante : si vous aimez ce que vous faites, vous finirez par devenir bon et, au bout du compte, quelqu’un vous paiera pour le faire !
Techniquement parlant, cette peinture a été difficile à mettre en place lors des premières étapes. Réussir à représenter le labyrinthe métallique de manière cohérente m’a demandé toute une journée de travail ! En tout, cette aquarelle m’a demandé un mois entier de labeur. Beaucoup d’éléments différents m’ont donné du fil à retordre…
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Après une séance de peinture complexe, j’aime me lancer dans quelque chose de compliqué et sur une petite échelle.
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Plus je zoomais sur cette cachette pour petits animaux, et plus je pouvais discerner des choses : les textures du bois, les ferrailleries en métal rouillé, des mélanges d’ambre et d’essence de la terre. La nature travaille à reprendre ce qu’elle nous a généreusement donné. Je ne me lasserai jamais de peindre ces petits moments pleins de signification.
K.Aslani
Kourosh Aslani Histoires d'eau
L’artiste iranien Kourosh Aslani a eu au cours de sa carrière plus de 50 expositions individuelles et de groupe. Il a également reçu de nombreux prix. Kourosh Aslani enseigne l’aquarelle depuis onze ans. Un livre de 80 pages montrant ses dernières peintures sera publié au mois d’octobre prochain. Son lancement coïncidera avec une exposition qui lui sera consacrée au Musée d’art contemporain d’Ispahan, la ville où il réside
J’ai grandi à Ispahan, qui est la capitale artistique de l’Iran. L’architecture de la ville est magnifi que, et la plupart de ses habitants sont considérés comme des artistes ! L’aquarelle existe à Ispahan depuis qu’elle a été importée par des artistes arméniens qui vivaient en Iran. J’ai pu admirer leur travail lorsque j’étais plus petit et plus tard, je me suis passionné pour l’aquarelle. J’admire les oeuvres de Zbukvic,Alvaro Castagnet et Trevor Chamberlain, ainsi que la peinture de Turner. Il va sans dire également que je respecte et admire toute personne qui peint. Mon père peignait également et c’est la raison pour laquelle j’ai passé une grande partie de mon enfance à peindre et à dessiner.
Ce qui me plaît, c'est que la peinture prend forme en fonction de la quantité d'eau et de couleurs que j’apporte. Les couleurs se meuvent en fonction de la fluidité de l’eau et prennent le plus d’espace possible sur la feuille. J’aime que ce soit moi qui contrôle – jusque dans une certaine mesure – ce phénomène.
Page 62 Kourosh Aslani
Démonstration : Pont d'Ispahan
Même si tout processus créatif ne saurait être disséqué en quelques gestes simples, il est possible de synthétiser le processus créatif de Kourosh Aslani en quatre étapes :
- Commencer par une esquisse au crayon.
- Appliquer les couleurs du fond.
- Ajouter des lumières et des contrastes
- peindre les derniers détails et les touches finales.
Le dessin. Lors de la phase de dessin, j’esquisse le contour de mon sujet au crayon, soit les montagnes et le lit de la rivière. Tout le reste sera apporté par le jeu de la touche du pinceau et des couleurs sur la feuille.
Le paysage urbain. À l’aide de quelques touches sur ma feuille, je rends la ligne d’horizon de la ville d’Ispahan.
Travailler dans l’humide. La partie inférieure du ciel est toujours humide. À l’aide des couleurs restantes du ciel, j’ajoute les montagnes et crée des effets de lumière, apportant ainsi du contraste. Cela me permet de donner de la profondeur. La partie inférieure de la ville est éga
Reflets et profondeur. À l’aide d’un vaporisateur, j’humidifie les troncs et les parties inférieures des arbres, tout en essayant de rendre leurs reflets dans la rivière. Je décide aussi de foncer la partie inférieure de la rivière, à l’aide d’un lavis à base de bleu de Prusse.
Les détails. J’apporte un peu plus de détails au pont Khaju à l’aide d’ocre jaune. Les espaces verts de chaque côté de la rivière sont définis en quelques touches rapides de pinceau. À l’aide d’un vert foncé, je peins également les arbres. À ce stade, j’utilise le moins de peinture possible. Lors de cette dernière étape, j’ajoute les derniers détails.
Z.Tianya

Zhou Tianya, Elargir les horizons de l'aquarelle
Zhou Tianya est diplômé de l’Institut des beaux-arts de Hubei. Il a enseigné l’art à l’Académie de technologie de Jingchu après son diplôme. Il vit actuellement et peint à Shenzhen, tout en étant commissaire du centre culturel de Luohu. Zhou Tianya est membre signataire de nombreuses sociétés d’aquarelle et d’art, notamment la China Artists Association (CAA), l’American Watercolor Society (AWS), la National Watercolor Society (NWS) et il est également membre honoraire de l’Australian Watercolour Institute (AWI).
Je peins surtout des Tibétains et d’autres minorités chinoises qui ont chacune leurs propres spécificités culturelles. Je peins aussi de temps à autre des paysages aux caractéristiques chinoises. Je crois en l’inspiration, mais je ne pense pas qu’elle joue un rôle vraiment déterminant. Je me considère comme une personne rationnelle et relativement précise et je choisis de m’exprimer de manière puissante et expressive.
Je ne suis pas peintre à plein temps, puisque je suis aussi commissaire d’exposition et que j’organise des événements artistiques pour un centre culturel gouvernemental.
L’aquarelle chinoise est avant tout réaliste et figurative et le style en est parfois trop traditionnel. Avec l’inauguration de la biennale, j’ai voulu montrer en Chine des oeuvres internationales avec un style plus diversifié, notamment à travers des aquarelles expérimentales et innovantes, et ainsi ouvrir l’horizon artistique, et notamment celui des peintres chinois. En même temps, nous avons ainsi pu promouvoir nos excellents peintres aquarellistes chinois. Notre devise est ainsi : « Introduire l’aquarelle internationale en Chine et promouvoir l’aquarelle chinoise dans le monde. » En tant que commissaire et organisateur de l’exposition, tout le travail a été fait par mon équipe et moi-même.Dans la peinture à l’aquarelle, une des choses les plus magiques vient du fait que l’on ne peut pas toujours contrôler l’écoulement de l’eau. Parfois, à l’aide de ce qui s’apparente à des gribouillages effectués de manière inconsciente, on obtient un résultat parfait et inattendu ! Même si la plupart de mes peintures sont des défis, j’essaye d’obtenir une concordance parfaite entre l’Homme et la nature – et je ne suis pas toujours satisfait du résultat ! Mais une fois que je regarde mes oeuvres avec un peu plus d’objectivité, je ne les trouve finalement pas si mal.
Page 68 Zhou Tianya
Voyez Tibet Bride : j’ai passé beaucoup de temps sur le dessin du visage de la mariée, mais même après de nombreuses heures de travail, je ne suis pas arrivé à trouver la tonalité et l’effet que je recherchais. De dépit, je me suis saisi d’un pinceau et j’ai tracé un « X » en bleu sur ma feuille. Et c’était exactement la couleur que je recherchais ! J’ai donc passé un léger lavis bleu sur tout le visage, et ma peinture a trouvé une nouvelle vie !
Voyages
Retour de voyage
3 artistes partagent leur expérience

Geoffrey Wynne au Maroc
Comment en suis-je venu à peindre le Maroc ? Je regardais un documentaire à la télévision sur Marrakech. J’ai été impressionné par les couleurs de cette ville ancienne, son marché aux épices, ses habitants dans leur costume traditionnel, et surtout la place Jemaa el-Fna, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. Une ville si riche en couleurs et en textures ne pouvait être qu’une source d’inspiration merveilleuse. Le premier voyage a été le début d’une histoire d’amour avec les thèmes marocains, avec à la clé des voyages à Fez, Tanger, Chefchaouen et Essaouira.
MON ÉQUIPEMENT EN VOYAGE : Tout mon équipement doit tenir dans un petit sac à dos, et mes feuilles et ma planche à dessin, sous le bras. Mon autre matériel : une palette en plastique léger, des martres Escoda nos 8, 10, 12 et 14, un pinceau traînard et un grand petit-gris. Je me sers de crayons 5B, d’une règle, de pots en plastique, de chiffons, de gomme à masquer et d’essuie-tout pour nettoyer ma palette.
Page 80 Geoffrey Wynne

Chien Chung-Wei : tour du monde en trois tableaux
Lorsque vous peignez sur le motif, une des décisions les plus importantes à prendre est de savoir si vous allez effectuer juste une esquisse rapide ou un tableau abouti. Et très souvent, le temps qui vous est imparti vous donne la réponse. J’essaie de garder mon imagination en éveil lorsque je cherche un sujet. Si un paysage attire mon attention, je vais rapidement imaginer dans mon esprit comment le rendre à l’aquarelle. Et je vais démarrer le processus de peinture seulement si l’image ainsi imaginée m’interpelle. Il m’arrive quand même de temps à autre d’expérimenter avec une approche ou une technique artistique, quelle que soit la scène que j’ai sous les yeux
RECHERCHES PRÉPARATOIRES Pareil à un touriste, avant de me rendre quelque part, je vais effectuer des recherches sur mon lieu de destination, et surtout son histoire. Bien sûr, il ne faut jamais faire l’impasse sur les musées et les galeries, car ils vous procureront des émotions fortes et une grande inspiration lorsque vous déciderez de planter votre chevalet. De retour dans votre atelier, quand vous regarderez à nouveau les photos et les esquisses effectuées sur place, vous constaterez que vos impressions des lieux que vous avez visités auront gagné en profondeur.
PEINDRE VITE… On pense souvent à tort qu’augmenter la vitesse à laquelle on peint augmente les chances d’échec, mais ce n’est pas le cas. Personnellement, ce n’est pas la vitesse qui peut être la cause d’un échec, mais plutôt le fait de se forcer de peindre sans être inspiré. Il est intéressant de constater que certaines oeuvres réussies apparaissent plus exubérantes parce que j’ai sciemment décidé de peindre plus rapidement.
Augmenter votre vitesse vous permet d’éviter le piège de s’appesantir sur des détails triviaux.
UN MATÉRIEL RÉDUIT AU STRICT MINIMUM Croyez-en mon expérience, avoir trop de pinceaux ou de couleurs ne fera que compliquer les choses. Essayez de réduire au minimum votre matériel. Vous ne devriez par exemple pas avoir plus de 15 couleurs et 10 pinceaux. Des feuilles de format « quarter sheet » (23 x 33 cm) sont les plus adaptées. Bien sûr, un chevalet facilement dépliable est aussi de rigueur. Je prends aussi deux carnets de croquis… un dans chaque poche !
Page 78 Chien Chung-Wei
Ma quête de départ n’est pas liée à la peinture… mais à l’envie de découverte ! Je veux courir le monde !
Sonia Privat à Zanzibar
Si je n’avais qu’un conseil à donner à un artiste parti au bout du monde, ce serait de garder les yeux grands ouverts ! Profiter de chaque instant, de chaque rencontre, de chaque ambiance.
C’est dans une rue de Stone Town, alors que mes stagiaires dessinaient quelques portes, que j’ai rencontré Haruna. Ce si beau garçon avait l’air si triste ! Je lui ai demandé si je pouvais le croquer, il m’a répondu que c’était d’accord pour 2 000 shillings. Je lui ai expliqué que je ne payais pas pour travailler… Revenu me voir, il m’expliqua que, en période de Ramadan, c’était dur, surtout lorsqu’on n’a pas beaucoup à manger le soir.
Après quelques minutes, je lui ai donné l’argent, soit moins d’un euro. Et là, il a pris la pose dix minutes, sans bouger et avec un doux sourire qui, lorsque je lui ai montré le résultat, s’est encore élargi. Je lui ai finalement donné quelques centaines de shilling en plus…
LE MATÉRIEL DE VOYAGE : Moins je suis chargée, plus c’est un gage de confort ! J’ai appris au fil de mes voyages à m’alléger. Dans ma trousse, 2 crayons, un sec, un gras ; un stylo, un feutre ; 4 ou 5 pinceaux, une palette d’aquarelle réduite, des feuilles de papiers différents reliées ou pas par un ressort, une pince et un support carton solide, colle et ciseaux…
Page 76 Sonia Privat
Concours
Résultat du concours Art de l'Aquarelle 29
J’utilise principalement des couleurs monopigmentaires, mais pour chaque oeuvre j’en choisis le moins possible. Le chapitre « Le monde de la couleur » du livre l’Eau créatrice de Jean-Louis Morelle a été une révélation pour moi. Avec mes antécédents, cela ne m’a pas paru compliqué, bien au contraire. Enfin des bases pour s’y retrouver ! J’utilise quotidiennement son triangle des couleurs pour choisir les pigments les plus adaptés à l’oeuvre en cours. Parfois, j’en réalise plusieurs versions en changeant la gamme. Le résultat est étonnant. J’utilise aussi une palette où toutes les couleurs sont présentes, rangées toujours au même endroit et avec logique, ce qui me permet de gagner en efficacité.
Avec de la persévérance, j’ai fini par comprendre que l’aquarelle permet les dégradés de valeurs et de teintes sans effort, puisque c’est l’eau qui fait le travail. C’est pour moi sa qualité essentielle. Le résultat est souvent encore plus subtil que celui escompté. Revers de la médaille, l’aquarelle est exigeante, « difficilissime » ; il faut tout gérer à la fois et souvent dans l’urgence. Page 88 Mathilde Arragon
L'avis du juge :
La plupart du temps, ce sont des peintures fortes en couleurs et valeurs qui attirent l’oeil du jury, mais cette fois-ci ce n’est pas le cas.
Il est rare de voir un artiste qui montre une cohérence si forte dans ses idées. Le choix d’une gamme de valeurs et de couleurs limitée crée une atmosphère douce mise en valeur par la douceur des lignes et des contours qui se prête parfaitement bien au choix du sujet.
Le tout avec un résultat harmonieux, logique, touchant et de bon niveau. Bravo à l’artiste !
L'avis du juge :
Ce qui me plaît dans cette peinture, c’est que le sujet est original mais surtout vu sous cet angle. La domination des rouges différents pour les feuilles dans la lumière et dans les ombres crée une atmosphère forte.