Le n° 28 de l’Art de l’aquarelle est paru le 1er mars 2016. Dans la rubrique actualité, nous découvrons la première biennale de l'IWS (Inde) l'AWI (Australie). Sont révélées 4 artistes : les britanniques Janet Kenyon et Aimee Birnbaum, l’allemande Ingrid Buchthal et la française Muriel Vanhove.
A la rencontre de l’australien Julian Bruere, des américains Leo Kaplan et Ken Goldman président de la National Watercolor Society (Usa) . Discussion sur l'abstraction dans l'atelier de la belge Nicole B.
Un portfolio est consacré au russe Andrei Zadorine. Rencontre avec trois artistes français : Yann Lesacher, Isabelle Corcket et Jean-Luc Mossion. L’univers du thaïlandais Somsak Chowtadapong et de l’américain Charles Henry Rouse.
Le concours des lecteurs : les coups de coeur du Jury pour Christian Couteau, Paul Nellens et Eric Alix.
L'actualité
Première biennale internationale d’Île-de-France
Pour cette première biennale, l’association Alizarines invite ainsi à exposer : Muriel Buthier- Chartrain (France), David Chauvin (France), Eugen Chiniscean (Moldavie), Janine Gallizia (Australie), Eugen Gorean (Moldavie), Liliane Goossens (Belgique), Marie-Line Montécot (France), George Politis (Grèce), David Poxon (Royaume-Uni), Xavier Swolfs (Belgique) et Fernand Thienpondt (Belgique).
1ière Biennale internationale d’Aquarelle
Moulin de la Bièvre
73, avenue Larroumès
94240 L’Haÿ-les-Roses
Dessins floraux Outremanche
Araignées, escargots, papillons et autres insectes et créatures vivantes sont à l’honneur dans cette exposition de dessins et d’aquarelles des collections des botaniques du musée Fitzwilliam (legs Henry Rogers Broughton). On prendra plaisir à y découvrir notamment les aquarelles du XVIIe siècle. Tous ont eu a coeur d’aller au-delà de la simple représentation botanique pour nous livrer des aquarelles qui, aujourd’hui encore, ont gardé toute leur fraîcheur.
La première Biennale de l’IWS India
La première biennale en Inde de l'IWS - intitulée "HARMONY THROUGH WATERCOLORS" s'est tenue en décembre 2015. Il s'agissait du plus grand événement organisé jusque-là par l'IWS.
En tout, ce ne sont pas moins d’une centaine d’aquarellistes qui ont fait le déplacement, dont certains très connus, tels que Barbara Nechis des États-Unis, Atanur Dogan du Canada, Ali Abbas du Pakistan, Endre Penovic de Serbie, Igor Sava d’Italie et LaFe de Thaïlande…
Nous prévoyons d’ouvrir la première école d’aquarelle de l’IWS afi n de pallier l’absence de son enseignement dans les écoles d’art. Le but est d’encourager les artistes et amateurs d’aquarelle de tous âges à se retrouver et à partager autour de ce médium.
Page 13 Amit Kapoor, président de l'IWS India
L'Australian Watercolour Institute
L’Australian Watercolour Institute est la plus ancienne et la plus prestigieuse association d’aquarellistes professionnels dans l’hémisphère Sud, avec des membres à la fois nationaux et internationaux.Historiquement, c’est la tradition de l’aquarelle britannique, en tant que manière pour les premiers explorateurs de garder une trace de leurs voyages qui est à l’origine de la tradition de l’aquarelle en Australie.
Depuis les années 1960, l’AWI accueille toutes les techniques artistiques à base d’eau. Ceci est en accord avec la plupart des grandes sociétés d’aquarelle qui encouragent l’expérimentation et l’innovation tout en cherchant à étendre les horizons traditionnels par une pratique contemporaine de l’aquarelle. Dix pour cent environ des expositions ont été réalisées avec d’autres techniques à l’eau que l'aquarelle ou la gouache.
Révélations
La britanique Janet Kenyon
Je commence habituellement par mouiller entièrement la feuille de papier Bockingford 350 g avant d’appliquer la couleur avec un large pinceau aux poils soyeux. Quand c’est sec, je réserve certaines zones avec un bâton de cire claire. Poser de multiples couches de couleur, préserver certaines zones puis laver les zones non réservées à la cire en les passant sous l’eau – en général dans la baignoire – est un travail de longue haleine. À la fin du processus je dissous la cire en la passant sous une source de chaleur, ce qui me permet de ne conserver que la peinture en dessous. Page 16 Janet Kenyon
L'allemande Ingrid Buchthal
Tous les sujets m’intéressent, du moment qu’ils me parlent, que ce soit à Stuttgart, où j’habite, lors de mes voyages, mes vacances, et dans ma ville de prédilection, Venise. Ceci dit, j’ai une préférence pour les paysages. J’aime utiliser des demi-tons délavés, que j’obtiens en mélangeant par exemple les complémentaires bleu outremer et terre de Sienne brûlée, que je dilue ensuite avec beaucoup d’eau pour obtenir un effet ruisselant. Quand le lavis est sec, je vaporise de l’eau sur le sujet pour le « noyer », l’effaçant ainsi presque complètement. Toujours à l’aide du vaporisateur, j’éparpille le pigment restant sur la majeure partie de ma feuille. Ainsi, j’obtiens une harmonie colorée équilibrée, et des effets séduisants qui jouent un rôle important en octroyant fraîcheur et expressivité à l’oeuvre.
Page 17 Ingrid Buchthal
La française Murielle Vanhove
Je peins l’instant présent, ce que je vois. Un piéton traverse la rue, une femme marche au soleil. Poser avec force la fluidité d’un moment, l’élégance d’un corps, l’expression d’un visage qui nous est familier. J’aime la démarche si singulière liée à l’aquarelle, ce « quatre mains » qui se crée avec l’eau. Elle entre sur la feuille pour y prendre toute la place, vous invite à y révéler sa lumière, éclatante. Et puis il y a ses rythmes ; l’urgence de la feuille inondée vous impose une gestuelle énergique et précise ; la fusion des pigments vous invite à attendre, à regarder. Ce rapport à l’instant me séduit.
Page 18 Muriel Vanhove
La britanique Aimee Birnbaum
Née à New York, Aimee est diplômée de la Museum School of Fine Arts de Boston. Elle vit à Londres et possède un atelier en Toscane.Élue membre du Royal Institute of Painters in Watercolour. Elle expose chaque année aux Mall Galleries de Londres.
Sa toute dernière série – des forêts mystérieuses – s’inspire de la religion païenne des pays baltes. La forêt est traditionnellement le théâtre de ces contes, permettant de se rencontrer et de se lancer des défis à soi-même. À travers une série d’aventures servant à tester son courage moral et sa bravoure, l’on plonge dans les profondeurs de son inconscient. Ici, les âmes germent comme des fleurs dans des clairières magiques, les arbres ont l’air de danser et les animaux de parler. On ne sait jamais vraiment ce qui est du domaine du réel ou de l’imaginaire.
Page 19 Aimee BirnbaumLa peinture préférée d'Elena Bazanova
Les signes du temps peuvent se voir dans les objets : un sac en plastique et un journal. L’idée de contact et de lien était le thème principal. Le fond sombre s’inspire de la situation tendue de notre société et de la politique. Les pommes sont toujours hors du temps, elles sont un symbole de la vie. Un environnement agressif comparé à la vie qui se manifeste, voilà le sens philosophique de l’oeuvre.
Page 88 Elena Bazanova
Je n’ai pas tout de suite su trouver la solution pour représenter le sac en plastique que je voulais rendre de manière presque miraculeuse, comme si chaque touche d’aquarelle traduisait parfaitement le sentiment des textures. Ce n’est qu’à mon troisième essai que j’y suis parvenue.
La partie la plus complexe de cette aquarelle a été le sac en plastique. Cependant, afin de rendre sans défaut chaque partie et chaque détail de ma peinture, j’ai dû beaucoup réfléchir au processus et aux différentes étapes en étant extrêmement concentrée ; aussi, le résultat n’est pas une heureuse coïncidence.
Ma dernière peinture
Ces artistes ont déjà été publiés dans l'Art de l'Aquarelle, nous retrouvons leur dernière peinture.
SANS TITRE., Carlos Leon Salazar
50 X 50 CM
Le thème de cette aquarelle est le travail de la lumière sur le corps du modèle. J’ai choisi de placer ma source de lumière au centre de ma composition.
THE ARTIST BOB RAGLAND, Dean Mitchell
41 X 29 CM.
Un matin, tandis que je me promenais au village, mon appareil photo en bandoulière, j’ai été saisi par le sujet.
DISGUISE AQUARELLE ET GOUACHE, Carla O’Connor
76,2 X 56 cm
Nous revêtons tous des masques à différents moments et pour différentes raisons, telles que l’amour, la peur, le courage, ...
VENICE, view from the colonnade, Alvaro Castagnet
55x75 cm
Le regard du spectateur va sur le clair-obscur qui est représenté par la valeur claire des rideaux, entourée de noirs intenses.
Horse riding school in KSIAZ. 2015, 73 X 53 cm
Andzrej Gosik (ADA 24)
J’aime lorsque mes scènes sont éclairées par différentes sources lumineuses.L’espace se divise en deux couleurs principales : les bruns et les verts.
Go see Saul, 38x28 cm
David Lobenberg (ADA 22)
J’ai essayé de saisir l’exubérance, la jeunesse et la liberté d’esprit d’un étudiant en beaux-arts que je connais.
Hope for future, Konstantin Sterkhov
75x55 cm
Les enfants sont les premiers à souffrir de ce chaos, pourtant, ils sont notre futur. Nous sommes « aujourd’hui » et nos enfants sont « demain »
YI FUSUO inspiration - ballet 2., Liu Yi
78x108 cm
J’ai compris que les ruines d’Éphèse coïncidaient avec la grâce des ballets et leur constituaient un décor admirable.
J.Bruere
Snow Gums Mt Torbreck. 46 x 100 cm.

Peindre en plein air est stimulant avec Julian Bruere
L'Australie est son pays, le motif le terreau principal de son inspiration. Et l'on devine, sous les couleurs froides et chaudes, le trait de l'ancien illustrateur.
J’adore peindre tous les éléments que l’on trouve dans le bush et les montagnes ; c’est la raison pour laquelle je démarre mes peintures avec un dessin méticuleux, ce qui laisse graduellement la place à plus d’expérimentations avec des miettes de pain, des éclaboussures, ou même de l’estompage afi n que le côté « bien fait » du début disparaisse un peu sous la forme de traces et de gestes inattendus.
Selon moi, les « meilleures » règles à suivre sont celles du nombre d’or, qui permettent de trouver de nombreuses diagonales, le centre, les tiers et les quarts. Une fois maîtrisées, ces règles fonctionnent mieux si elles sont subtilement ignorées, ainsi la structure de la composition vient en renfort de la peinture et non l’inverse. Une autre règle consiste à ne pas placer d’éléments au centre de l’oeuvre, ce qui a tendance à la séparer en deux moitiés.
Page 30 Julian Bruere
Démo : Strathalbyn
- Je débute avec des lavis de terre de Sienne brûlée, de terre d’ombre, de violet Winsor et de bleu de cobalt avec lesquels je recrée mon dessin dans des teintes neutres, chaudes et froides. Les formes, notamment à l’arrière-plan, seront adoucies lors du passage du lavis suivant.
- Je crée un mélange en grande quantité de bleu de cobalt, de gris de Payne, de turquoise de cobalt avec une pointe de cinabre. Sur la feuille encore humide, je représente les bâtiments dans le lointain à l’aide du même mélange que pour le ciel, mais avec moins d'eau.
- Une fois ma feuille sèche, je passe un lavis sur toute ma feuille, en laissant seulement les lumières sur le toit. Le ciel est une variation d’alizarine cramoisie, d’orange et de bleu de cobalt. Les collines sont en terre de Sienne et le bâtiment de pierre en terre de Sienne, les feuillages en terre d’ombre, chaque teinte mélangée avec l’autre. Outre ces teintes de terre, j’ajoute également quelques miettes de pain et des éclaboussures d’eau afi n de créer des textures sur les bâtiments et au premier plan.
L.Kaplan

Leo Kaplan, le réalisme magique
Directeur artistique, illustrateur et aquarelliste. Sa passion ? Les vieux objets et bâtiments, qui lui demandent rigueur et imagination.
Je suis diplômé d’une école d’art et j’ai ensuite suivi des études d’architecture. Je ne suis donc pas devenu peintre par hasard ; mais je n’aurais jamais envisagé que ma vie devienne ce qu’elle est aujourd’hui. Je dois dire que j’ai trois cordes à mon arc : artiste, illustrateur et directeur artistique d’une agence de publicité. Ces trois pôles de mon activité étant toujours reliés, ainsi chacun s’en trouve enrichi.
J’ai toujours préféré le réalisme en art. J’ai toujours été émerveillé par l’art classique, depuis l’art médiéval et la Renaissance jusqu’au réalisme du XIXe siècle. Enfin, je n’ai jamais ressenti le besoin de me défaire de mes connaissances ou d’abandonner complètement mon style pour que mes peintures puissent mieux exprimer ce que j’ai envie de dire.
Certaines peintures – que je nomme mes « romans » – se composent de 10 ou 12 lavis, tandis que d’autres sont peintes alla prima ; ce sont mes haïkus. Généralement, je commence par un dessin au crayon assez détaillé qui me permet ensuite de me concentrer uniquement sur la mise en couleurs et la lumière. Le fait de savoir si une peinture demande de multiples couches de couleur se détermine en cours de route.
Page 34 Leo Kaplan
Démo : A Beautiful Scent (19x23 cm)
- Je commence toujours par un dessin assez soigné, de manière à ne plus avoir à m’en préoccuper par la suite.
- Je débute par les couleurs claires, qui traduisent l’ambiance ensoleillée qui traverse mon tableau.
- Je peins avec des grands pinceaux en poils de chèvre, qui permettent de réaliser toutes les formes et aplats que je souhaite, ainsi que la structure de la peinture.
- Je donne plus de précision aux contrastes et aux rapports entre les ombres et les lumières.
- Pour moi, il est important que le chien ne soit pas au premier plan, mais qu’il reste néanmoins le sujet principal du tableau.
- Les deux phases suivantes de la peinture sont faites sec sur sec, à l’aide d’une brosse dure pour la peinture à l’huile. Je défi nis ainsi le bois, la pierre et la structure du mur..
- J’apporte les dernières précisions et nuances de chaud et de froid. Les derniers détails sont également ajoutés à l’aide d’un pinceau fin.
- Enfin, ne pas oublier la signature, qui parachève l’oeuvre !
K.Goldman
Ken Goldman

Ken Goldman est un artiste reconnu de par le monde, auteur, enseignant ; il participe souvent comme juge à des concours. Il a reçu de nombreux prix et a exposé aux Pays-Bas, à Paris, au Mexique, à New York, Boston, Washington DC et a montré son travail en Italie à l’occasion de Fabriano en Acquarello en 2015. Il est actuellement président de la National Watercolor Society et ses oeuvres peuvent être vues à la CaliforniaWatercolor.com Gallery.
Peindre le genre d’idées qui m’intriguent doit toujours être une forme de défi, ou alors la peinture ne m’intéressera plus. En fait, je crois même qu’une bonne part de ma motivation avant chaque tableau provient du fait que je me lance dans quelque chose que je ne suis pas sûr de réussir. C’est étrange ! Si je deviens bon dans quelque chose, j’ai le sentiment que je me répète. Je cherche alors un nouveau défi , qui peut parfois être quelque chose d’aussi simple que changer ma palette de couleurs.
Page 38 Ken Goldman
Nicole B.

Nicole B. L’abstraction en couleur
Sur papier, la matière aquarelle (en tube) est prédominante, les rehauts se font avec du pigment à broyer que je prépare moi-même ; j’y ajoute un liant aquarelle et je termine avec des pastels et de l’aquarelle, mais pas toujours. L’encre est utilisée pour un travail plus particulier où les noirs et les blancs (gouache fine) offrent un travail graphique et dépouillé. Je joue avec la matière et les différences entre le mat et le brillant. Quant à la couleur acrylique, je la réserve uniquement pour les toiles. Personnellement, j’utilise peu les techniques humides de base. La couleur est étendue avec un large pinceau (8 centimètres), qui est lui très humide, sur une surface sèche. En revanche, je travaille souvent en glacis, couche après couche, en respectant les temps de séchage.
L’idée au départ est récurrente, nous parlons d’abstraction : les lignes de force, une inscrite dans une verticale, l’autre dans une horizontale. Ensuite, l’imaginaire fait le reste. L’émotion peut venir d’une application au bon endroit.
L’idée de départ est le choix d’une couleur pure : elle doit envahir l’espace et laisser une place parfois infi me pour sa complémentaire. Cela revient à l’infiniment petit et à l’infiniment grand. Même si la volonté est présente, parfois, tout bascule et les deux couleurs s’affrontent.
Page 42 Nicole B.
Démo L'abstraction en 4 étapes
Ce travail est basé sur plusieurs éléments qui lui donnent son harmonie : l’équilibre des formes, la complémentarité des couleurs, les contrastes et les oppositions de transparence et d’opacité.
ANALYSE DU TABLEAU : Le regard global sur l’oeuvre importe avant tout. Le blanc du papier s’inscrit dans une forme en L pour soutenir l’ensemble. Les forces sont le bleu et le blanc. La plage de repos orangée envahit les trois-quarts de la feuille et les formes abstraites se répondent.
- Je décide d’une forme graphique qui envahit la feuille (travail à sec) laissant des blancs. À l’aide d’un pinceau plat de 8 cm, je pose un jaune quinacridone. Sur sec, vient l’orange de Chine en glacis puis une nouvelle phase de séchage.
- J’établis un point focal en matière à l’aide d’un couteau à peindre avec lequel j’étale de l’orange de Chine. Je laisse sécher. Puis, je passe un glacis de cette même couleur sur l’ensemble.
- Je passe un glacis de jaune d’ocre sur les différents éléments afi n d’unifi er le tout. Au moment du séchage, les transparences apparaissent.
- Je termine par le pigment bleu de cobalt que je dépose en une gestuelle ample. Je prends la décision de saturer l’angle en haut à gauche. J’ajoute du rouge de cadmium pour les petits détails ludiques. Et du vert de cobalt comme signature (petite touche dans le point focal).
A.Zadorine
Andrei Zadorine
Peintre russe figuratif, c'est avec une grande habileté technique qu'il dépeint un monde onirique qui puise ses racines dans ses propres souvenirs, ainsi que dans son goût marqué pour le cinéma et la photographie.
Je commence toujours par une idée avec laquelle je joue à l’aquarelle. Depuis une dizaine d’années, outre mes esquisses, je me sers aussi de la photographie. Lorsque j’en suis au stade du dessin sur la feuille pour trouver mes idées, l’aquarelle m’est d’une grande aide avant me lancer dans une toile. Quand je peins à l’huile, j’essaie de ne pas dévier de mon esquisse. Je pars sur une toile complètement vierge et je ne travaille qu’avec des huiles transparentes et sans blanc. C’est pour cela que le rendu final ressemble autant à de l’aquarelle.
Page 55 Andrei Zadorine
Artistes Français
Isabelle Corcket, la ville me parle

Nota : Isabelle utilise des tons gris auxquels je me réfère dans l'article sur les gris sourisEn 1979, j’intègre l’ENSAAMA (École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’arts)-Olivier de Serres. Je découvre Paris, je passe mes nuits à déambuler dans les rues. La boîte à rêves se met en marche. Devenue architecte d’intérieur, j’exerce pendant neuf ans.
L’architecture guide ma peinture. La ville me parle. Scènes de rue, terrasses de café, toits, instants du quotidien et plaisirs simples sont mes sujets favoris. J’aime mettre en lumière ces ambiances urbaines. Ressenti, couleurs et jeux de lumières se prêtent à merveille pour les raconter. La peinture n’est jamais innocente, les sujets, les thèmes ne sont que prétextes à dévoiler une façon bien personnelle de peindre. Ils m’insufflent poésie, émotions indéfinissables et secrets.
Page 56 Isabelle Corcket
Un tableau n’est pas seulement une surface plane recouverte de couleurs posées çà et là ; c’est bien plus. Je suis sur une approche graphique et colorée de mes sujets. Les toits, les façades pour leurs graphismes, rythmes, lignes de force. Pour le plaisir infini, des gris colorés, somptueux, raffinés, que j’affectionne tant.
Jean-Luc Mossion L'atmosphère de l'instant

En ce qui me concerne, le dessin est très structurant, il est comme on l’entend quelquefois le « squelette de l’aquarelle ». Pour cela, je m’efforce de respecter les perspectives, volumes et proportions, même si la composition est toujours simplifi ée ; j’organise l’ensemble autour du point focal. Si mon dessin respecte l’ensemble de ces principes, c’est un premier pas vers la réussite qui est accompli. Lorsque l’ensemble est achevé, je me soucie rarement des traits de crayon, ils font, me semble-t-il, partie de l’oeuvre, je les retire cependant lorsqu’ils atténuent les réserves de blanc.
Je peins dans mon atelier, les avions notamment, et en plein air dès que j’en ai l’occasion. Peindre sur le motif est essentiel pour moi, il s’agit d’être en prise directe avec la lumière ; je perçois une ambiance et c’est à travers le filtre de ces sensations que je produis ma propre réalité. À l’atelier, c’est différent, j’ai moins de facilités à « rentrer dans un sujet » à partir d’une image d’ordinateur, et j’ai besoin d’avoir visualisé au préalable l’aquarelle in situ pour retrouver ma spontanéité dans sa réalisation.
Page 62 Jean-Luc Mossion
Avion sur le tarmac
Le fait de travailler en tant que pilote de ligne me permet bien sûr d’être en prise directe avec les avions et leur environnement. L’attirance pour ce sujet vient plus de ce dernier justement que des avions eux-mêmes, c’est encore une fois une question d’atmosphère. Voir les équipes d’assistance s’activer autour des aéronefs à leur poste de stationnement, le matin tôt lorsque le temps est brumeux ou pluvieux, ou alors quand le soleil se couche, offre des sujets à peindre exceptionnels.
Page 64
Mais là, pas question de peindre sur le motif malheureusement. Je n’ai pas de conseil à donner sur la façon de réaliser ce genre de sujet, pour ma part et c’est très personnel, je réalise un dessin juste à tous points de vue à partir de photos réalisées lors de mes rotations ; mon plaisir vient ensuite dans la réalisation des ambiances, sachant que l’un des éléments les plus délicats est ici de retranscrire l’animation.
- Ce dessin représente les préparatifs de chargement. J’organise donc la composition autour de cette action : au pied de l’avion, le personnel au centre est encadré par les tracteurs et les conteneurs à bagages. J’utilise les marquages au sol pour mettre en évidence mon point focal.
- Le parking est encore humide d’une pluie récente. Je traite donc en une seule fois un ciel chargé, un arrière-plan diffus et le tarmac mouillé.
- L’ensemble est coordonné : le ciel, le parking et l’arrière-plan sont élaborés avec la même palette, des bleus céruléum et outremer mélangés à du rouge de cadmium et de la terre de Sienne brûlée.
- Voici venu le moment de traiter l’avion. Pour l’intégrer au paysage, il faut soigner les valeurs et veiller à ce que les contours restent diffus. Comme vous le voyez, je traite peu de détails, les ombres suffisent, associées à quelques réserves de blanc pour l’éclat.
- Le matériel est à son tour couvert d’un lavis bleuté rehaussé de quelques touches de rouge et Sienne brûlée qui contribuent à réchauffer son aspect métallique.
- Le pilote parle avec le responsable du chargement, leur positionnement est important, précisé par les lignes au sol : ils permettent d’accéder à la scène.
- Dans cette dernière phase, je remouille l’avant-plan afin de le foncer par endroits et créer l’aspect humide du parking. Pour terminer, les reflets du matériel sont réalisés sur le papier sec.
Yann Lesacher Les tribulations d'un artiste

Dans le Sahara, en Algérie
Quelques Touaregs posent un instant, entre dessin au crayon et aquarelle. La discussion démarre. Fasciné par cette capacité qu’avaient ces Touaregs de s’orienter dans ce désert immense uniquement guidés par les étoiles, et leur expliquant que dans les étoiles moi je ne sais point lire… ils m’ont répondu que « si tu ne sais pas t’orienter grâce aux étoiles, t’es bon pour te déplacer autour de ta maison, ou tu restes chez toi,c’est tout. » Déjà qu’auparavant, j’avais fait tomber ma boîte d’aquarelle à l’envers sur le sable et que je me trouvais bien benêt après chaque coup de pinceau agrémenté de sable fin, j’ai tenté de faire quelque chose de ressemblant afin de remonter dans leur estime. 6 mois après je recevais par colis postal une outre en peau de chèvre expédiée depuis l’oasis de Djanet, comme cadeau-souvenir. Tiens, un jour il faudra que je la peigne aussi.
En Argentine
Entre Patagonie et chutes d’Iguazù, en passant par des randonnées dans la Cordillère des Andes, j’ai vécu quelques situations d’inconfort. En Patagonie, j’avais oublié l’eau pour mes croquis, et c’est l’étang ou pataugeaient des palmipèdes qui me servit pour tremper mon pinceau. Le principal défi fut d’arriver à trouver des teintes à anticiper, compte tenu de la dominante d’un beau vert prairie qu’offrait mon eau de mouillage d’aquarelle. Au pied du Périto Moréno, ce fabuleux glacier qui avance en faisant des bruits de tonnerre, les touristes sont impatients de voir tomber des blocs énormes dans les eaux du lac, tandis que l’aquarelliste-croqueur, lui, espère que les pans de glace aux si belles couleurs froides auront l’obligeance de garder encore un instant la pose… J’ai aussi un croquis en brun des montagnes des Andes, sur lequel quelques gouttes de grésil m’ont aidé à finir le travail : il y faisait à peine 1 degré et le vent glacé sifflait aux oreilles du pinceau. À Iguazù (ci-dessous), si on fait un test ADN au coeur de la double page consacrée aux chutes d’eau, on y trouvera autant de sueur personnelle que d’eau naturelle ; il y faisait 40 degrés et les gouttent tombaient depuis mon front sur les couches de peinture que je tentais d’apposer correctement.
Page 72 Yann Lesacher
C.Rouse
Charles Henry Rouse Ce que j'ai appris

Passionné par la technique, Charles Rouse a quarante de pratique derrière lui. Il nous livre ici son point de vue sur l'aquarelle, et fait le point sur son parcours et l'évolution de son style.
Pour moi, tout est bon à peindre. À ce stade de ma carrière, je constate que je peins plus de scènes urbaines qu’auparavant. Plus jeune, j’ai beaucoup voyagé sur les plages du Mexique et des Caraïbes ; pour moi, s’il n’y avait ni plages ni palmiers, cela ne m’intéressait pas ! J’étais aussi un grand pêcheur et mes oeuvres de cette époque reflètent mes centres d’intérêt.
Bien sûr, je peins pourmoi, pas pour le public, mais la complexité, la vitalité et le côté « sale » des villes m’attirent beaucoup. Ce sera certainement un thème dominant dans mes prochaines oeuvres.La meilleure façon de s’améliorer est de peindre. On ne peut rien apprendre, on ne peut pas innover, on ne peut pas mettre en pratique ses nouvelles connaissances si on ne peint pas. Bien sûr, quand il est question d’apprendre de nouvelles choses, que ce soient des nouvelles techniques, des nouvelles astuces, ou même si vous lisez des articles sur d’autres artistes, vous allez forcément avoir des moments qui ressembleront à des révélations. J’en ai connu moi-même quelques-unes au fi l des ans. La première a eu lieu assez tôt dans ma carrière et fut un des moments les plus importants : pour qu’une peinture présente bien, pour qu’elle attire le regard du spectateur, qu’elle soit théâtrale, elle doit avoir des contrastes de valeurs forts. La deuxième – et qui à mes yeux est tout aussi important – a été de comprendre que tout dans une peinture est basé sur la forme. Je ne parle pas de la forme des objets ou du sujet, je parle des changements et transitions de valeur qui déterminent la forme de tout élément au sein de la peinture.
Secret d'utilisation la gomme à masquer
Cela fait de nombreuses années que j’utilise de la gomme à masquer. Il y a certains papiers sur lesquels on ne peut l’utiliser, trop doux ou trop délicats. Certains sujets aussi ne se prêtent pas à l’utilisation de la gomme à masquer. La plupart de mes aquarelles sont peintes sur du papier Arches grain torchon 600 g, voire plus. C’est un papier quasiment indestructible. J’ai probablement testé toutes les marques de gomme à masquer du marché. La meilleure était pour moi celle de Winsor & Newton, jusqu’à ce que je découvre il y a peu celle de Pébéo. Son avantage est que je peux la laisser plus longtemps sur la feuille. Ce sont les deux marques que je recommande.
Page 76 Charles Henry Rouse
- La gomme à masquer doit être appliquée rapidement et librement. Entre chaque passage, ou toutes les 10 à 15 secondes, pensez à bien nettoyer le pinceau avec de l’eau chaude et du savon. Une fois que la gomme a séché, celui-ci est bon pour la poubelle. Aussi, je recommande de ne jamais utiliser de pinceau de qualité.
- Pour obtenir des lignes fines, vous pouvez tremper un objet pointu dans la gomme à masquer. Je me sers aussi de vieux pinceaux usés que je coupe jusqu’à obtenir l’épaisseur désirée. Les pinceaux à poils longs sont les meilleurs, car les poils courts ont tendance à boire le liquide.
Pas à pas : Blue hat
Tout est dans la suggestion : il faut que les éléments aient l’air réalistes sans verser dans la reproduction photographique. Au spectateur de faire le travail, pas votre pinceau. Placez de manière assez libre les valeurs et formes sombres, ainsi que les formes moyennes et claires. Laissez le tout sécher avant de passer rapidement vos lavis. Trop de lavis atténueront les valeurs sombres.
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- Je commence par un dessin à partir d’une photo transféré sur une feuille de papier Arches 600 g grain fin.
- Je démarre généralement ma peinture par les zones les plus sombres, ce qui me permet ainsi d’avoir tout de suite mon échelle de valeurs.
- J’avance sur les différentes sections de ma peinture avec précaution, en plaçant mes formes sombres.
- Les lignes et formes grises sont de la gomme à masquer, utilisée pour réserver les blancs et les zones claires. Je la retire dès que possible, en terminant cette partie du tableau. Tout reste en équilibre.
- L’arrière-plan est désormais terminé. Je pose les zones de la rue en plein soleil, ce qui amène ainsi de la profondeur entre les enfants et les détails à l’arrière-plan.
- Les vêtements clairs des enfants sont baignés de soleil entrent en contraste avec les valeurs sombres des ombres, retenant ainsi l’attention des spectateurs.
- J’ajoute les derniers détails sur les vêtements ainsi que des ajustements dans les ombres
- Mon tableau est termliné
S.Chowtadapong
Somsak Chowtadapong La voie de l'eau

C'est dans la veine de l'abstraction que l'artiste Thaïlandais a trouvé sa voie, et dans l'aquarelle sa passion. Ses formes sont une ode aux forces mouvantes et immuables de la nature.
Je peins à l’huile, à l’acrylique, tout en expérimentant également d’autres techniques. L’aquarelle est une de celles que j’emploie lorsque je me lance dans la création de nouvelles oeuvres d’art. C’est parce que j’ai été très impressionné par les différents effets qu’il est possible d’obtenir avec les autres techniques. Un artiste peut contrôler la manière dont les pigments se fondent entre eux, en jouant avec le flux d’eau. La qualité translucide de l’aquarelle, les traces successives des coups de pinceau, la dissolution des pigments, de même que les éclaboussures et autres effets stimulent les idées et l’imagination. Que l’on emploie une méthode de superposition des couleurs opaques ou transparentes, l’eau reste le solvant principal et le résultat est toujours imprévisible ce qui, pour moi, est un vrai défi . D’autres défis à l’aquarelle sont la précision des gestes et la manière de créer le clair-obscur, les couples ombre/lumière et clair/sombre. Cela est particulièrement vrai pour les artistes figuratifs dont le travail doit avoir le bon équilibre afin d’atteindre une forme de ressemblance. Pour moi, le propre de l’art est de donner corps à la vivacité et à l’éphémère.
Page 68 Somsak Chowtadapong
"Cappadoce"
Mes peintures sont avant tout inspirées par le contexte qui m’entoure et qui a stimulé mes sentiments intérieurs avant de me pousser à trouver des thèmes pour mon travail. Ces inspirations dérivent de lieux, d’anecdotes, de personnes, de phénomènes naturels, voire même d’idées, de principes, de problèmes et même de théories sur l’art qui ont façonné la manière dont je travaille et m’ont mené vers mon but ultime. Lorsque j’ai visité la Cappadoce, en Turquie, le paysage, l’environnement, l’histoire et la découpe inhabituelle des crêtes des montagnes ont stimulé mon énergie créative. J’ai enregistré ces sentiments dans ma mémoire avant de créer des esquisses qui ne sont pas seulement des reproductions d’objets actuels mais se concentrent plutôt sur le fait de savoir comment ces paysages ont pu créer des nouvelles images dans mon esprit.
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Bien que j’aie le sujet en tête, je commence par peindre sans esquisses préalables. Je me repose, au contraire, sur mes souvenirs et mes impressions. Des feuilles de papier journal ont été déchirées et je me suis servi de ruban de masquage pour fixer ces formes
Je pose des couleurs translucides – jaune orange, gris brun, vert clair – avec des pinceaux de différentes tailles pour créer du mouvement et donner une première dynamique. Dès lors qu’une couche est sèche, j’ajoute la suivante – qui diffère en couleur, en valeur –, sec sur sec. J’emploie une technique mouillé sur mouillé sur certaines zones, en mélangeant des couleurs directement sur la feuille.
Les chutes de papier journal et le ruban de masquage sont enlevés, dévoilant des zones vierges de toute peinture. Mêlé aux zones où abondent les coups de pinceau et les traces colorées, le tableau forme un tout qui stimule mon imagination. Je poursuis en collant de nouveaux morceaux de papier journal et en rajoutant des bandes de ruban de masquage, superposant les couches.
Une fois que les couleurs sont complètement sèches, les dernières feuilles de papier et traces de scotch à masquer sont enlevées. Les traces de pinceau, couleurs, formes qui ont été créées grâce au hasard deviennent claires, en termes de composition. De nouvelles formes apparaissent, des espaces blancs et des textures. Les détails sont ajoutés ensuite pour apporter les touches finales de cette image issue de mon imagination.
Je repeins sur les zones blanches qui ne doivent plus le rester. Elles deviennent ainsi des formes qui représentent des émotions, à l’aide d’ambiances, de textures et de contrastes de valeurs. Les derniers détails – accentuation des lignes et des perspectives – sont ajoutés. Certaines zones blanches sont recouvertes de couleurs vives, rose garance et vermillon. Pour ajouter luminosité et mouvement, j’ai posé du violet clair et du bleu pâle.
Concours
5ème concours des lecteurs
Peindre pour un concours n’est pas une mince affaire, mais cela permet de se rendre compte de l’impact qu’ont nos peintures sur le public. Quoi de plus stimulant ?
LA JUGE, JANINE GALLIZIA
« Du figuratif vers l’abstrait » : Agnès Le Dantec, gagnante
L’AVIS DE LA JUGE : « J’aime la dynamique et l’honnêteté qui se dégagent de cette oeuvre. Les traits sont tracés d’une main sûre, et avec un but en tête. L’harmonie colorée et la composition sont justes. C’est une peinture originale, bien structurée et exécutée. Bravo ! »Cela fait 20 ans que je peins et ma première action, quand je commence une aquarelle, est liée au hasard. Je combine ensuite des “bouquets de gestes et de couleurs” que j’assortis en fonction de mon énergie picturale. Je cherche absolument à garder la pureté de la couleur ainsi que sa force. À la fin, j’y associe de la calligraphie et du collage pour renforcer une composition ou un axe. Le thème n’apparaît qu’à la fin, guidé par mon imagination. Pour Sa Majesté, la ligne du visage s’est imposée d’emblée ainsi que la couronne, il m’a donc fallu introduire du doré absolument.
Page 95 Agnès Le Dantec
Les coups de coeur du jury
Points de vue. 2015. 35 x 30 cm. Eric Alix
L’AVIS DE LA JUGE : « J’aime l’idée de cette peinture, même si la composition gagnerait à mieux équilibrer les valeurs tonales. Les variations dans le style et l’application sont intéressantes, mais un peu trop séparées, ce qui affaiblit l’image dans son ensemble. »
Le Caire. 2013. 35 x 48 cm Christian Couteau
L’AVIS DE LA JUGE : « Une oeuvre vibrante et enlevée. Peut-être un peu trop chaotique, mais peinte avec conviction. »
Boerentoren Antwerpen. 2007. 36 x 55 cm. Paul Nellens
L’AVIS DE LA JUGE : « Bonne structure, bonne idée, et bien exécutée. On y observe un équilibre intéressant dans les textures des formes, ce qui est encore rarement utilisé chez les aquarellistes.»