Le n° 27 de l’Art de l’aquarelle vient de paraître. Dans la rubrique actualités, The Royal Scottish Society of Painters in Watercolour présidée par John Inglis (jusqu'en 2016). Trois artistes révélés : les Français Jacky Augagneur et le Rémois Claude Carretta gagnant du concours des lecteurs du N°26, l'Américain Dylan Scott Pierce (couverture).
La rubrique «ma dernière peinture» pour 8 artistes. En fin de magazine la «peinture préférée» de John John Salminen.
A la rencontre de l'atmosphère de la ville selon le Serbe Dusan Djukaric. Aiguisons le regard avec les lumières nocturnes de la Britannique Naomi Tydeman et la vision originale de l’Australien Mike Kowalski .
Un portfolio consacré à la Biennale de Shenzhen qui met en valeur 8 artistes, dont un Turque, un Russe et Américain. suivi de la visite de l'atelier de Vera Dickerson.
Quatre Rencontres : Rui Zhou un Chinois qui monte, sur les sentiers de Jean Vigué, les chiens peints par Kim Johson, les fleurs de Paty Becker.
Rubrique technique avec le savoir-faire de Lynn Powers et le concours des lecteurs.
Terminons par un hommage à 3 artistes de talent qui ont disparu : Nick Simmons, Paul Dmoch et Fernand Lamy (Ada 15).
L'actualité
The Royal Scottish Society of Painters in Watercolour (RSW)
LA RSW a été fondée en 1878 par des artistes écossais reconnus qui pensaient que l’aquarelle occupait une place à part dans la pratique de l’époque. Cette tradition est rénovée en acceptant d'autre médiums à l'eau que l'aquarelle.
Nous avons décidé que, de manière à pouvoir explorer la diversité de ce médium et l’infinité de ses interprétations, nous devions élargir notre réseau pour permettre à d’autres écritures, c’est-à-dire à tous les médiums à base d’eau, d’être présentées, qui autrement ne le seraient pas."
Page 14 John Inglis, président de la RSW
Les Aquarellades de Mons
Après le succès de 2013, la ville de Mons en Belgique exposte 200 aquarelles inédites.
Chaque artiste sélectionné est vraiment très fier de participer aux Aquarellades 2016. Nous ne pouvons vous montrer les photos des aquarelles qui seront exposées car elles sont inédites… Les artistes eux non plus n’ont pas le droit de les publier, ni sur les réseaux sociaux, ni ailleurs, car nous voulons garder intacte l’émotion du spectateur qui les découvrira pour la première fois lors de l’exposition.
Page 8 les organisateurs de la biennale
Révélations
Le Français Jacky Augagneur
Je me suis retrouvé, à l’âge de 14 ans, à préparer un CAP d’imprimeur-typo et durant près de trente années, j’ai vécu l’évolution considérable de l’imprimerie du XXe siècle, poursuivant en parallèle ma lente progression d’artiste peintre autodidacte et multipliant les expositions qui m’ont fait rapidement apprécier.
La composition et la solidité du dessin de base sont les points essentiels de ma démarche, la mise en couleurs vient ensuite pour créer l’ambiance, faire chanter la lumière et les ombres. Page 16 Jacky Augagneur
Le Français Claude Carretta
C’est localement que j’ai appris les bases de l’aquarelle. Le plaisir était là, mais c’est en croisant le chemin de Roland Palmaerts, artiste exceptionnel fidèle à Reims depuis quinze ans, que j’ai pu aller plus loin, tant dans la pratique du médium et la connaissance des couleurs que dans le partage avec la communauté des aquarellistes, vivante, créative et enthousiaste.
Page 88 Claude Carretta
La couleur est aussi une science, et ce sont les connaissances acquises auprès des maîtres et dans les livres qui permettent de combiner au plus juste, au plus efficace couleur et valeur, couleurs chaudes et couleurs froides, le tout dans un univers qui bouge, se fait et se défait et déjoue souvent les meilleurs pronostics.
L'Américain Dylan Scott Pierce
L’Afrique est synonyme d’aventure : on s’y retrouve en terrain inconnu, ce qui n’est pas toujours chose facile.
Page 17 Dylan Scott Pierce
La couleur est un outil puissant : dans l’art comme dans la vie, la puissance maîtrisée peut accomplir des choses bénéfiques. Elle a une véritable charge émotionnelle et psychologique : quand on s’en sert de façon sérieuse, elle peut créer une ambiance efficace. Il faut surtout choisir la couleur dominante, celle qui sera la plus présente dans votre composition.
La peinture préférée de John Salminen
Alors que la composition se doit d’être mûrement réfléchie et savamment orchestrée avant de commencer à peindre, en cours de route c’est la peinture elle-même qui suggère les modifi cations nécessaires. La spontanéité dans la réalisation vient de mon acceptation de ces suggestions, de ma réponse et de la manière ensuite de poser les couleurs sur la feuille. Quand nous sommes face à une peinture, nous ne l’observons pas de la même manière qu’une photo. Nous espérons y déceler les traces de la main de l’homme : ces traces sont à trouver dans la qualité des touches. Grâce à la peinture, je peux insuffler mes propres réactions émotionnelles dans la scène que j’ai choisie.
Page 64 John Salminen
Ma dernière peinture
Ces artistes ont déjà été publiés dans l'Art de l'Aquarelle, nous retrouvons leur dernière peinture.
ROSE 05 10 2015., La Fe
36 X 56 CM
J’ai peint cette Rose lentement : cela m’a aidé à me concentrer sur la simple technique.
Ain't I Beautiful?, Chinmaya Panda
55x74 cm
Un matin, tandis que je me promenais au village, mon appareil photo en bandoulière, j’ai été saisi par le sujet.
FLOWER FORTUNE-TELLING., Yuko Nagayama
41x61 cm
Selon l’esprit de l’Ikebana, le vase est le réceptacle de l’esprit divin qui accueille l’esprit vivant de chaque fleur.
Bungalow on Belding, Richard Stephens
65x50 cm
C’est comme si le spectateur visitait la maison, se déplaçant d’une pièce à l’autre, retraçant son histoire.
Essence, Ali Cavanaugh
20.3x20.3 cm
J’ai appris à être tolérante dans mon processus afin de laisser naître des hasards heureux dans mon travail fini.
Indefinite Irrelevance, Jayson Yeoh
40x30 cm
J’espère que les spectateurs seront séduits par cet aspect différent et contemporain.
Bizarrerie de printemps, Reine-Marie Pinchon
70x100 cm
Cette scène m’a éblouie et je n’ai eu de cesse que de rechercher les techniques qui serviraient au mieux cette poésie de l’instant.
Moving, Anna Ivanova
41x57cm cm
Les danseurs sont des sujets qui m’inspirent, parce que leurs mouvements racontent une histoire.
D.Djukaric

L’atmosphère de la ville avec Dusan Djukaric
Fasciné par la notion de l'instant, cet aquarelliste Serbe, qui vous une véritable passion à la peinture, dévoile ici des paysages baignés d'une lumière douce et diffuse.
En termes de paysages urbains, j’aime peindre des formes architecturales qui arborent un dôme – en effet, je trouve que les dômes donnent vraiment une atmosphère unique à une peinture. Mais avant tout, je choisis les détails qui vont rendre mon tableau vibrant : que ce soit un tramway rouge ou un parapluie de la même couleur sous un ciel de pluie. Ce sont toujours des détails qui s’imposent d’eux-mêmes spontanément. En fait, il faut choisir un point central autour duquel toute la peinture va s’articuler. Il suffit d’un accent qui manque et un chef-d’oeuvre – peint par n’importe quel maître – peut s’effondrer de lui-même.
j’ai adopté une perspective à vol d’oiseau. Vu d’en haut, tout paraît extraordinaire. Lorsqu’on se trouve en haut d’un immeuble, l’adrénaline coule à flots. Il faut s’adapter rapidement, prendre des notes et tenir compte des changements.
Page 26 Dusan Djukaric
J’utilise une grande variété de techniques mais la majeure partie de mes tableaux sont peints mouillé sur mouillé. Je n’ai pas de souci particulier avec le contrôle de l’humidité de la feuille, quand placer ma peinture sur la feuille avec quelle densité, etc. Ce qui me pose souci, c’est d’arriver à attendre le bon moment !
Démo : Journée pluvieuse sur une place
- Pour commencer, je réalise, au crayon gras 2B, une esquisse où j’indique précisément les personnages.J’évite certains détails et je positionne les lampadaires dans le premier plan, leur donnant ainsi plus d’importance, comme s’ils symbolisaient la place.
- Je crée un mélange en grande quantité de bleu de cobalt, de gris de Payne, de turquoise de cobalt avec une pointe de cinabre. Sur la feuille encore humide, je représente les bâtiments dans le lointain à l’aide du même mélange que pour le ciel, mais avec moins d'eau.
- Je démarre par le bâtiment sur la gauche, tout en étant conscient qu’il ne s’agit que d’un élément à l’arrière-plan, qui n’a besoin que de quelques détails. Je mélange les couleurs suivantes : turquoise de cobalt, bleu de cobalt et un peu de cinabre. Le seul détail que je laisse sur le bâtiment est l’auvent, car je le trouve intéressant.
- Je me penche maintenant sur le cavalier – un élément important de ma composition. Je mélange du turquoise de cobalt avec un peu de violet de manganèse et de bleu de cobalt sur la feuille.
- Je me concentre ensuite sur la partie gauche et poursuis les reflets sur le bâtiment en ajoutant les lumières dans les fenêtres et les feux de circulation. Je poursuis par mes personnages en accentuant leur présence afin de donner plus de profondeur à ma peinture.
N.Tydeman
Dylans Moon. 30 x 70cm
Aube et crépuscule, c'est à ces moments que la lumière est la plus belle sur la côte Galloise. Dans ses paysages maritimes, l'artiste tire profit du meilleur atout de l'aquarelle : son imprévisibilité.
Naomi Tydeman
Pour mes paysages maritimes, le sujet n’est rien d’autre qu’un prétexte. Laisser la peinture s’écouler, se répandre et se figer comme bon lui semble, la laisser oeuvrer par elle-même et voir ce qui se passe avec le temps et avec le temps et l'évaporation de l’eau, sont des parties essentielles de mon travail. Je ne réalise pas de dessin préalable, je n’ai pas d’idées préconçues et je n’utilise pas de matériel photographique de référence. Je travaille juste en réponse à ce que la peinture me donne. Parfois, une vague apparaît, ou la lumière peut venir d’une certaine direction. Je peux peindre une langue de terre ou une ligne d’horizon afin d’avoir une référence, mais c’est toujours quelque chose de secondaire qui apparaît à la fin de mon travail. De même, je peux me décider pour un bleu différent, ou même encore travailler sur un plus grand format mais à part ces éléments-là, je n’ai aucune idée de départ.
Page 36 Naomi Tydeman
Kowalski
Mike Kowalski

Pour moi, dessiner est l’aptitude la plus importante qu’un artiste puisse avoir dans son escarcelle. Très souvent, une mauvaise peinture résulte d’un mauvais dessin. L’aquarelle, en particulier, demande en général de savoir bien dessiner. J’aime dessiner avec la pointe de mon pinceau. Très souvent, j’utilise du brou de noix.
Je cherche tous les détails qui vont raconter mon histoire ou ajouter de la couleur locale. Je n’ai pas besoin que mon tableau ressemble exactement à ce que j’ai sous les yeux, mais il demeure important de capturer l’essence de ce qui est là et de ne pas tout inventer. Je n’aime pas par exemple représenter la forme globale d’une voiture que l’on ne pourrait pas reconnaître. Cela prend du temps de savoir ce qu’il faut garder et ce qu’il faut mettre de côté dans son sujet.
Je n’aime pas vraiment les « trucs » et les raccourcis. Je préfère la peinture dans tout ce qu’elle a de plus laborieux et de plus simple : c’est-à-dire avec pinceaux, couteaux et peintures. Il y a quelques techniques que j’utilise, mais que je n’appellerais pas forcément des « trucs ». Je n’emploie jamais de gomme à masquer. Il y a toujours quelque chose de très excitant à remouiller entièrement une feuille à l’eau claire.
Page 40 Mike Kowalski
Démo Spanish Cedar
- LE DESSIN : Mon dessin se base sur quelques études au crayon. Il est important de bien comprendre la structure d’un bateau : ainsi je peux envisager mentalement plusieurs manières d’aborder ma peinture. Je garde mon dessin aussi lâche que possible et j’aime voir les traits de pinceaux dans mon aquarelle finie. J’ai choisi une feuille 140 lbs, grain fin.
- Ma première étape consiste à poser une peinture très visqueuse. Je peins également les zones les plus sombres, ainsi que les lignes les plus importantes et quelques détails.
- Je travaille du foncé vers le clair. Ici, je me concentre sur les tons intermédiaires. C’est généralement à ce stade que je pose mes ombres et les grandes masses, indiquées par de simples lavis. Je laisse les tons froids et chauds se mêler.
- Les zones chaudes du toit du bâtiment sont rapidement posées. Je peins les bâches au plafond en négatif, mais comme j’oeuvre dans l’humide, les contours restent flous.
- Je peins le bateau en ajoutant mes tons les plus chauds sous le toit. Le petit voilier à l’arrière-plan et les détails du personnage sont ajoutés. À l’aide d’un second lavis assez libre, j’ajoute des textures dans le plafond. Enfin, je pose les éléments au premier plan à l’aide de quelques gestes.
- J’ai une tendance à privilégier les formats étroits et verticaux, ce qui correspond à un ratio d’à peu près 3/2.
Shenzhen
Zhou Tyania (Chine), Ritual.2015. 75 x 55 cm.
Hou Wei (Chine), « Dust Series », Bubble.81 x 54cm
Frederick C.Graff (USA), Era Of Grandeur 58x66 cm
Biennale de Shenzhen
La biennale de Shenzhen est l’une des manifestations les plus connues en dehors de la Chine. Elle attire de nombreux artistes étrangers… Quelles qualités ces artistes occidentaux apportent-ils à l’événement ? Zhou Tianya : À mes yeux, l’aquarelle chinoise reste académique : notre formation est fondée sur une vision classique de la peinture réaliste selon la tradition occidentale. C’est pour cette raison que la plupart des artistes chinois oeuvrent dans un style réaliste et fi guratif. Grâce à ces nombreux artistes internationaux aux approches diverses et variées, l’exposition gagne en diversité. Cette influence occidentale, cette idée classique et académique de la peinture, fait que les artistes chinois privilégient la « perfection » et la « difficulté technique » dans leur travail. Ils pensent que ce n’est pas le sujet qui est important, mais la manière de peindre, la technique. Pour les artistes occidentaux, c’est tout le contraire. Notre exposition met en lumière les atouts respectifs des artistes de l’Occident et de l’Orient et c’est pour cette raison que la qualité de notre sélection est parmi la plus élevée au monde.
Page 55 Biennale de Shenzhen
Rukiye Garip (Turquie), Mother. 56 x 76 cm.
Dickerson

Vera Dickerson La fin justifie les moyens !
Généralement, je vais bloquer la surface de la feuille à l’aide de deux couches diluées de gel acrylique brillant, laissant un temps de séchage suffi sant. Parfois, il m’arrive aussi de noyer la feuille vierge dans un lavis d’aquarelle ou d’acrylique transparente, afi n d’obtenir une base vibrante qui peut être jaune, rouge ou bleue. Dans tous les cas, mes peintures commencent toujours par des lavis transparents à partir desquels je construis, couche après couche, jusqu’à ce que les derniers accents et les dernières formes aient des contours bien défi nis et des lignes bien claires. Quand je démarre une oeuvre, mes premières couleurs sont toujours transparentes : cela permet au papier de briller par en dessous et de me donner mes lumières.
Mon matériel
- Gel brillant de marque Nova pour neutraliser le papier et un gel brillant Golden qui donne aux couches acryliques plus de profondeur et d’intensité. Je m’en sers comme support pour mes crayons aquarellables.
- Encres acryliques FW
- Papier Aquarelle Arches grains fi n et torchon, 300 g et 600 g, Strathmore Aquarius II, et du Yupo, un papier synthétique lisse au grammage moyen.
Page 57 Vera Dickerson
Démo Eclipse
- DES GLACIS OPAQUES ET TRANSPARENTS : Après les textures sous-jacentes, mon souci est de placer des larges masses et des divisions spatiales sur la surface initiale. Cela est généralement accompli par des glacis à la fois sombres et transparents, puis clairs et opaques. Je neutralise certaines zones de cette façon afin que les couleurs pures et les textures plus intéressantes demeurent.
- FORMES,LIGNES ET TEXTURES : Toutes ces formes peuvent être ennuyeuses à moins que je joue sur les contours et que je lie d’une manière ou d’une autre les formes entre elles. C’est ici que les pochoirs entrent en jeu. Je superpose, pochoir après pochoir, ajoute de la peinture, en enlève, modifi e mes nuances colorées tout en gardant les mêmes valeurs… afi n de développer des passages qui vont retenir l’attention par leur complexité. Les pochoirs sont le point de départ de mes motifs, je reviens constamment dessus par des glacis ou des jeux d’échelle afin d’avoir des espaces plats sur lesquels je développerai des textures. Je dessine avec mes pinceaux, des crayons aquarellables et des crayons graphites solubles à l’eau. Un ruban adhésif me sert à garder mes contours nets et rectilignes, mais mes lignes droites sont également obtenues avec une main ferme.
- ACCENTUER LE POINT FOCAL : Puis, afin d’équilibrer ces motifs, j’ajoute de la couleur pure et des contrastes de valeur. Je me sers aussi de mon travail sur la ligne pour faire un lien entre les différents espaces, allant et venant en chevauchant mes traces… tout en espérant créer un point focal intéressant. Tandis que ma peinture avance, j’atténue certaines lignes et place mes contrastes les plus forts et mes couleurs les plus pures, qui attireront le regard. Les liens entre les formes s’effectuent grâce à des lignes d’intersection, des répétitions et des chevauchements de couleurs. J’essaye d’éviter autant que possible les formes et les couleurs isolées ; très souvent, je vais venir rompre un contour trop net avec une ligne ou une forme afin de ne pas enfermer l’oeil. Le résultat fi nal n’est qu’une réaction intuitive, après des heures de réflexion.
- FAIRE INTERVENIR L'INTUITION : Il s’agit maintenant d’une étape intuitive : j’étudie ma peinture et j’espère qu’elle me parlera et me dira ce que je dois rajouter. Ici, ce fut un demi-cercle jaune sur le bord gauche. Je prends des photos de ma peinture afi n de la visualiser sur l’écran de mon ordinateur. Lorsque l’image est réduite, les problèmes sautent aux yeux. Mon choix de couleurs fonctionne par paires de teintes complémentaires, même si je n’ai pas de règles strictes. Je neutralise les couleurs pures à l’aide de terre d’ombre et de blanc afin que les passages qui soutiennent mes zones plus vives soient chauds et tranquilles, sans faire de la boue grise. Et j’aime bien avoir une zone de contrastes vifs. Les acryliques ont un pouvoir teintant plus fort que celui de l’aquarelle ; elles sont aussi moins chères et restent en place lorsque je les pose en glacis. Aussi toutes mes couches supérieures sont-elles à l’acrylique.
Rencontres
Rui Zhou Le Chinois qui monte...
L’arrière-plan n’est pas le centre d’intérêt, mais il est très important : non seulement occupe-t-il beaucoup de place sur la feuille, mais en plus il contribue à renforcer l’ambiance.
Cependant, dans beaucoup de mes peintures, je préfère laisser l’arrière-plan flou pour ne pas détourner l’attention du spectateur. En général, je termine l’oeuvre avec un gros pinceau chargé d’une couleur gris terne alors que la feuille est toujours humide.
Page 30 Rui Zhou

Tableau à la loupe
- LE SUJET : Le Yunnan est une région belle et mystérieuse. Sa population se compose de beaucoup de groupes ethniques différents. À chaque groupe son costume, ses traditions et son style de vie. Dans cette peinture, j’ai choisi de montrer les Yi. Certains peuples vivent encore dans des conditions presque primitives : ils vénèrent le soleil, la terre, l’eau et les femmes. Il y a tellement de sources d’inspiration dans le Yunnan que c’est un véritable paradis pour le peintre.
- FAIRE RESSORTIR SES PERSONNAGES : Mon arrière-plan varie d’oeuvre en oeuvre. En règle générale, je fais en sorte qu’il n’attire pas le regard au détriment du centre d’intérêt. J’ai abordé l’arrière-plan de Sound of Yunnan en pensant au « design » global de ma peinture. En effet, ces masses noires et rectilignes servent à encadrer mon sujet. Le fond a été peint dans le mouillé pour obtenir un effet de douceur et des couleurs fl oues. Certains éléments sont dus au hasard, ce qui fait partie des plaisirs de l’aquarelle.
- LA SIGNIFICATION : Dans Sound of Yunnan ou « la musique du Yunnan » (NdT), je voulais montrer aux autres habitants de mon pays (voire au monde entier) ce qui caractérise ce peuple. Leurs costumes traditionnels sont de toute beauté et, lorsqu’ils travaillent, ils ont pour habitude de chanter. D’ailleurs, ces filles sont justement en train de chanter un bel air traditionnel. J’espère que ma peinture va donner envie aux spectateurs de venir écouter leurs chansons – ce qui explique son titre.

Jean Vigué Sur les sentiers de l’aquarelle
Ma famille est implantée ici, en campagne lot-et-garonnaise, depuis plusieurs générations : c’est donc mon « biotope » naturel !
C’est au début des années 1980 que j’ai découvert les aquarelles des Espagnols comme Ceferino Olivé, Guillermo Fresquet, Martinez Lozano et les Anglais Richard Bolton, Trévor Chamberlain, John Blockley, David Curtis… Plus près de chez moi, j’allais décortiquer les aquarelles d’un paysagiste lot-et-garonnais, Louis Lasbouygues, qui exposait régulièrement dans une galerie agenaise. Sans qu’il le sache, c’est un peu lui qui était ma référence.
Je ne suis pas un coloriste et si certaines aquarelles semblent proches du monochrome, elles sont toujours travaillées avec 3 ou 4 couleurs. Pour Rosières et Ferguson par exemple, j’ai utilisé terre de Sienne brûlée, violet de pérylène, violet permanent, carmin, et quelques touches de bleu manganèse. Une de celles-ci servira de base ou de liant pour l’harmonie. Ces combinaisons peuvent parfois apparaître dans un fond de palette ou en marge de chutes servant de test.
Page 60 Jean Vigué

Kim Johnson Peindre le meilleur ami de l'homme
Membre du NWS en 2005, Arizona Watercolor Association (AWA) en 2006, Tranparent Watercolor Society en 2013, finaliste du concours Artists'magazine en 2014.
Je ne peins pas toujours dans l’humide, ce qui serait monotone et toutes mes peintures ne s’y prêtent pas. L’inconvénient de la technique mouillé sur mouillé est qu’elle est difficile à contrôler… mais c’est aussi ce qui la rend aussi attirante. La difficulté est que le contrôle peut vite vous échapper si vous n’utilisez pas une palette restreinte : si trop de couleurs se mélangent, vous obtiendrez alors une teinte neutre.
Ma palette : Terre de Sienne brûlée (Winsor & Newton), terre d’ombre brûlée, violet de cobalt clair (Sennelier), vert de Hooker, vert de vessie, jaune azo (M. Graham), ocre jaune, terre d’ombre, terre de Sienne, laque de garance véritable, rouge de cadmium clair, orange de cadmium, bleu outremer, bleu de cobalt, bleu céruléum, violet minéral, bleu de manganèse.Regarder mon sujet prendre forme et vie sur ma feuille et la gratification immédiate qui en découle. Je ressens aussi beaucoup de plaisir lorsqu’un spectateur, en voyant un tableau de chien que je viens de réaliser, me dit : « On voit vraiment que vous aimez ce chien ! »… alors que je n’ai jamais rencontré l’animal en question ! C’est pour moi le meilleur compliment que l’on puisse faire sur mon travail ! Et les succès en aquarelle sont ressentis de manière d’autant plus forte que les possibilités d’apporter des corrections sont limitées.
Mes années d’expérience m’ont montré que je n’ai pas à tout mettre dans une peinture. Garder des parties vierges ajoute du mystère et laisse spectateur une plus grande part d’interprétation. En tant qu’artiste, je veux chercher à évoluer et aussi essayer de nouvelles techniques. Le fait de me fixer des défis me permet de me développer, ce qui en retour rend mes peintures plus spontanées et excitantes !
Page 60 Kim Johnson

Mouvement et rythme Paty Becker
Membre de la SFA, autodidacte bordelaise, la technique et la pédagogie la passionnent. Elle a participé à de nombreux Salons (Brioude, Aiguillon, Belâbre, Saint-Chamond, le haillan, Arvert; Namiur, Saint-Gelais, Sainte-Féréole…) et remporté de nombreux prix, dont le Grand prix du Salon d’Automne de Bordeaux.
Le chemin de l’apprentissage, pour tout autodidacte, est souvent plus long car il est basé sur l’expérience, la recherche… Curieuse de tout, j’ai essayé le pastel sec pour son opalescence, la peinture sur soie pour ses fusions, l’encre et la calligraphie pour la gestuelle, la gravure pour son trait. L’aquarelle s’est imposée comme un condensé de tout cela. La sensibilité, la sensualité du papier ont été un autre élément décisif. J’essaie d’être fidèle à moi-même en suivant mon inspiration et mon émotion. J’ai besoin « d’entendre » ma peinture avec ses silences, ses bémols, ses tempos…
Je conseille aussi d’élargir ses outils le plus possible avec ce que j’appelle des accessoires exotiques tel que peigne, peigne à colle, carte style bancaire, plume d’oiseau, aiguille de pin, demi-épingle à linge, papier bulle, filet… Soyez inventifs !Les effets de texture sont parfois le fruit du hasard, mais surtout de recherches. Je joue sur les oppositions opaque/transpa rent, mais je peux utiliser aussi un bâton de graphite (humide ou non) pour sa texture duveteuse. Posé sur une surface humide, il fuse façon encre de Chine. Je peux aussi râper légèrement un bâton de pastel sec à l’aide d’un papier de verre fin, ce qui donne un granité à condition d’être dans la bonne humidité. Le granité doit se fondre légèrement mais pas totalement pour obtenir un bel effet. J’ai une attirance pour les empreintes, les traces. Je peux appliquer une feuille végétale, un morceau de tissu qui laisse comme un souvenir de son passage discret. Une autre piste consiste à poser du gesso en début de travail pour texturer légèrement le fond et permettre des blancs relavés différents qui seront plus duveteux. Il faut s’aventurer à condition que rien ne soit intempestif et que l’ensemble reste subtil.
Page 76 Paty Becker
Technique

Rendre les subtilités du visage avec Lynn Powers
Les portraits de Lynn sont la quintessence d'une certaine aquarelle : c'est-à-dire transparente, fluide et sensible.
Une feuille vierge est pleine de potentiel tout en étant très intimidante. Le premier geste est celui qui coûte le plus. Ensuite, le reste vient tout seul, environ 70 % de la peinture. Les derniers 20 ou 30 % sont tout en concentration, particulièrement dans les tableaux où le réalisme compte.
Je pratique ce que j’appelle la « photographie furtive » : je suis toujours en train de prendre des photos dans les lieux publics. Je cherche les personnes et les poses qui me parlent. Et je jette rarement une seule photo. Ce que je vois dans chaque personnage change avec le temps, aussi je perçois toujours de nouvelles choses dans mes anciennes photos. Pour moi, une photo « juste » est une photo qui me parle. La pose doit exprimer quelque chose au sujet de la personne, qu’elle soit gracieuse, têtue, ou perdue dans ses pensées.
Une des erreurs que l’on commet généralement au début est de penser que l’on connaît bien le visage humain, alors qu’en fait, on ne voit pas les détails qui rendent chacun de nous si unique. Les erreurs les plus courantes sont les suivantes : des narines rondes et bleues avec des contours bien marquées, des lèvres aux contours marqués, une ligne franche entre les lèvres inférieure et supérieure, le blanc des yeux justement trop blanc, aucune épaisseur aux sourcils, des cheveux qui ressemblent plus à un casque, une mâchoire trop carrée, des cils peints l’un après l’autre… ce sont là les erreurs les plus courantes.
Page 78 Lynn Powers
« Pendergast » Pas à pas
- Cherchez les endroits où vous pouvez casser la ligne nette de la naissance des cheveux : à cet endroit vos contours seront flous afin de lier la chevelure au visage. Les ombres projetées par les cheveux sont un endroit où placer des reflets de lumière ainsi que des couleurs.
- Les sourcils ont généralement plus d’une valeur. Cherchez le point le plus sombre et travailler à partir de celui-ci, en variant valeur et couleur. Cherchez les zones où vous pouvez étendre la couleur du sourcil sur les zones adjacentes de la peau… ce qui vous permettra de lier le sourcil au front. Pensez également au fait que certains sourcils réfléchissent la lumière.
- En pleine lumière, les plis et les changements de direction des différentes surfaces de la peau d’un visage plus buriné sont autant d’occasions d’apporter de la couleur.
- Exprimé dans sa forme la plus simple, le nez consiste en quatre plans, et chacun avec une source de lumière et une couleur différentes. Il ne faut pas oublier les accents de lumière sur la partie la plus proche de la source lumineuse, la partie éloignée de la lumière (sur laquelle on trouve fréquemment la lumière et les couleurs réfléchies des formes adjacentes), et enfi n la partie entre les deux, représentée avec des valeurs moyennes avec bien souvent un rehaut coloré. La partie inférieure du nez est le meilleur endroit pour représenter la lumière réfléchie. Prenez garde : chaque narine a une forme particulière, avec un contour net et un contour flou. Et elles ne sont jamais rondes ou bleues !
- Quand savoir s’arrêter ? Il arrive un point de la peinture où elle est terminée à, mettons, 80 ou 90 %. L’ensemble est satisfaisant mais une ou deux zones peuvent encore être améliorées. À ce stade, il est très difficile de peindre avec confiance…
Un delicato e fragile autoritratto di un artista imballato.56 x 76 cm. Tejo Van den Broceck
4ème concours des lecteurs
Gagnant du concours : Tejo Van den Broceck. Autres nominés : Eth de Melaou, Claude Allègre, Valérie Elkaïm, Joëlle Thirion (voir ci-contre), Joël Pérard, Céline Guthmuller
Ici, le jury a été séduit non seulement par la maîtrise technique, mais aussi par la composition ainsi que l’humour qui se dégagent de cette peinture. Tejo Van den Broeck est un artiste bien connu de nos lecteurs (nous lui avons consacré un article dans le numéro 15 de L’Art de l’Aquarelle) et il a pris comme sujet quasi unique, depuis plusieurs dizaines d’années, l’autoportrait.
Page 84 la juge, JANINE GALLIZIA
Paul. 2012. 80 x 60 cm. Joëlle Thirion
Disparus
Nick Simmons

Fresh Sushi. Je me souviens du jour où il m’a envoyé la photo d’une peinture qu’il venait de terminer. Elle s’intitulait Fresh Sushi. “Je n’arrive pas à décider si c’est complètement nul ou super, m’a-t-il dit. T’en penses quoi ?” “Nick, ta peinture est FANTASTIQUE !!! C’est tout simplement ce que j’ai vu de mieux depuis des années. Je la veux. Je te l’achète. Garde-la pour moi”, ai-je répondu, pleine d’enthousiasme. Nick était un peu surpris par ma réaction, mais il l’a choisie pour participer au concours de l’exposition annuelle de la NWS (2007). Un peu plus tard, il m’a appelée. “J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne c’est que Fresh Sushi a remporté la médaille d’or à l’expo NWS. La mauvaise nouvelle, c’est que la NWS garde l’oeuvre gagnante !” Nous avons rigolé. J’étais tellement heureuse pour lui ; c’était sa première vraie chance. Quant à moi, je l’ai obligé (gentiment quand même) à m’obtenir une reproduction de très bonne qualité, qui fait partie aujourd’hui de ma merveilleuse collection privée. Fresh Sushi a marqué le début de l’envol de la carrière de Nick. »
Page 93 Janine Gallizia
Paul Dmoch

En tant que peintre, Paul ne cherchait pas à épater avec ses prouesses techniques, ni à exceller – son ambition était d’ordre spirituel. Pour lui, c’était par l’acte de création que l’homme accède à un état de conscience qui transcende son état normal. Il croyait que, lors de ces rares instants de création, notre esprit se trouve transporté vers un état contemplatif, un état de conscience supérieur, où règne la compréhension, un esprit de guérison et de paix. Paul était un grand peintre, mais la peinture n’était pas sa passion principale ; elle n’était que le moyen qu’il avait choisi pour tenter de traduire ce qu’il ressentait lors de ces moments insaisissables. Sa quête était d’essayer, avec chaque peinture, de ressentir à nouveau cette sensation.
Paul, c’est l’art de sublimer la lumière, c’est même l’art de réinventer la lumière, de la faire vivre, de la faire vibrer. Tes représentations d’intérieur d’églises et de cathédrales m’ont littéralement bouleversé par leur puissance évocatrice, tu laisses derrière toi une oeuvre magistrale, et un grand vide dans le monde de l’aquarelle. Paul, tu es parti avec les anges peindre la lumière finale, et tu me manques déjà…
Page 95 Thierry Duval
Choeur, Kings College Chapel, Cambridge, Angleterre. 76x57 (Voir Ada 15)
Fernand Lamy

Croisière des 20-21 juillet 2012. Fernand Lamy appliquait du vernis sur ses oeuvres marouflées sur bois avant de les encadrer, avec un petit rouleau en mousse imbibé de vernis versé dans une assiette. Il lissait éventuellement au papier de verre fin puis appliquait une deuxième couche en croisant. (Voir Ada 15)
Ce petit homme né dans les forêts du Jura aimait les grands espaces. Il aimait également les grands tableaux. Combien de fois nous a-t-il bluffés en accrochant des oeuvres de 2 m sur 1 m, voire plus grandes ! Il insistait pour que nous suivions son modèle : des aquarelles marouflées sur bois et protégées au vernis acrylique. Son ambition était de rivaliser avec les grandes toiles acryliques ou à l’huile qui triomphent dans les Salons. Et il y est arrivé, ce diable de petit homme, propulsant l’aquarelle sur le devant de la scène dans les expositions de techniques mixtes ! Lors de la messe qui honorait sa mémoire, deux aquarelles entouraient son cercueil : l’une représentant une mer déchaînée, l’autre un paysage de neige du Grand Nord canadien. Des deux tableaux ressortaient son amour immodéré de la nature et son optimisme inoxydable. Adieu Lamy !
Page 96 François Malnati
Croisière des 20-21 juillet 2012. (voir Ada 15)