Américaine

Pour qu'un tableau soit lisible, il faut utiliser des formes simples.
Sur l'image à droite, vous pouvez voir que le tableau est composé sur deux rectangles. Le ciel en haut, et le premier plan, les rectangles gris.

Pour donner une dynamique, le rectangle du bas est marqué par un triangle-rectangle, celui qui est le plus sombre.
Sa pointe donne le point de fuite principal, j'y reviendrai dans l'analyse de la perspective.

Le personnage principal est situé dans le tiers droit. Les points d'intérêts ne sont jamais placés au centre, mais dans les zones de tiers.
Il est incliné vers la gauche, en rupture des lignes à 45° inclinées vers la droite.

La Grande Mosquée reprend le triangle principal, sur exactement la même forme. La ville est circonscrite dans un rectangle parfaitement horizontal, sur la ligne d'horizon.

Sur un premier regard, il semble y en avoir qu'un seul.
Oui, la pointe du triangle sombre, donne le point de fuite principal.
Il est marqué par un ensemble de lignes qui y convergent :

1. La passerelle, bien sûr
2. Les lignes d'ombre
3. Mais également l'alignement de réverbères

Mais la Mosquée est en contreplongée, dominante : il y a 2 autres points de fuite, marqués 2 et 3. C'est comme si on voyait un cube par en-dessous, et l'impression est augmentée par le minaret.

Enfin, l'ombre de Loriane du fait de sa position penchée est sur une inclinaison différente de la rambarde.

La composition est réglée sur 6 plans différents.
Les détails sont sur l’arrière-plan, comme si on avait réglé la vue sur la ligne d’horizon (on peut même compter les gens sur la plage en points microscopiques. Regardez bien les petits points blancs sur la plage, et le long de la rambarde en procession).
Comptons ensemble :

1. L'océan et les rochers
2. Le personnage principal dans le rectangle sombre
3. les 3 personnages qui avancent vers Loriane
4. La ville
5. La mosquée
6. Le ciel

Pour la circulation du regard et l'illusion de la perspective, ces plans sont placés dans une spirale.

J'ai été très sobre, pour ne pas dire frugal, dans le choix des couleurs.
En effet, je me suis limité à deux pigments : le bleu outremer (dominante verte) et le brun Vandyke.
Ces couleurs mélangées donnent un gris car elles sont complémentaires. On peut faire varier le gris du blanc au noir, ou rester dans dominantes bleues (le ciel) ou ocres (la Mosquée).

Vous pouvez voir sur la représentation ci-contre la douceur des tons que l'on obtient ainsi.

J'ai ajouté des touches de rose permanent et de jaune auréoline pour mettre un peu de peps sur les immeubles.

Les personnages sont peints dans des couleurs en contre-pied :

• Vert olive pour la jupe, et rose permanent + jaune sans cadmium pour les cheveux,
• Les pointes sombres sont avec du noir réalisé à partir des 2 couleurs d'origine,
• Les personnages "Ricochets" sont peints avec les mêmes pigments que le personnage principal.

Ce tableau est tiré de la série Ellipse, partie des carnets de Casablanca. Cette série fait l'objet d'un article dédié que je ne commente pas plus ici.

Mais il a un sens particulier pour nous, les parents de cette jeune fille.

La peinture est une métaphore du passage à l'âge adulte, celui où les enfants deviennent grands et écrivent leurs propres pages de vie.

Reprendre le tableau initial (24X26 cm) sur un format 2 fois plus grand (40x37cm) a été une expérience d'aquarelle intense. On ne peint pas de la même manière sur des formats différents, j'ai pu ainsi développer les règles de composition initiales, en y ajoutant davantage d'expression.

Partie du tableau a été peinte avec Loriane à mes côtés, ce qui avait un sens spécial, pour moi son père.